Mourir idiots, c’est normal
par
Publication : novembre 1981
Mise en ligne : 18 novembre 2008
LE Larousse de poche définit l’argent : « Métal
blanc. Toute sorte de monnaie », et la monnaie : « Pièce
de métal frappée pour servir aux échanges. Fig.
: moyen d’échange ». Moyen d’échange en tant que
représentant la valeur des produits échangés. Donc
« étalon » de valeur. Chaque pays dispose de sa monnaie
propre et définit la valeur de ses richesses et services de tous
ordres grâce à ladite monnaie. Mais n’importe quel pays,
groupe ou individu, peut acheter » cette monnaie plus ou moins
cher. Car cet « étalon de valeur » s’achète
et se vend comme une marchandise, et personne, jamais, ne sait ce qu’il
« vaudra » dans l’heure qui suit. La valeur des produits
peut rester fixe, le « moyen » de leur échange ne
l’est pas. La monnaie est le seul étalon « variable »
connu. Il paraît que c’est normal.
La monnaie, a été et peut encore être basée
sur l’or (métal utile seulement à la bijouterie, la prothèse
dentaire et certains travaux de laboratoire. Mais la valeur de l’or
varie à chaque heure. Il paraît que c’est normal.
Certains pays n’acceptent pas le règlement de leurs produits
dans la monnaie du pays acheteur, mais exigent ce règlement en
monnaie d’un autre pays, le dollar par exemple. Il paraît que
c’est normal.
Les pays les plus riches du monde ont été précipités
dans une crise épouvantable, en 1929, parce que des spéculateurs
américains avaient perdu la tête. Les dits pays, possesseurs
de richesses restées intactes après - comme avant - ce
cataclysme, se sont retrouvés plus malheureux que les pays les
plus démunis de tout. Il paraît que c’était normal.
Le monde est aujourd’hui au coeur d’une crise économique qui
ne cesse de s’amplifier, et en particulier ces derniers jours parce
que l’un des pays les plus riches se livre à des manipulations
qui ont fini par rendre son dollar aussi dangereux que la dynamite.
On peut se priver de dynamite, on ne peut pas se passer de dollars.
Il paraît que c’est normal.
Tous les pays riches pourraient exploiter leurs richesses, les consommer,
les exporter, acheter celles qui leur manquent, « vivre heureux
et sans soucis ». Ce n’est pas possible parce que les systèmes
économique et monétaire du monde les en empêchent.
Il paraît que c’est normal.
Le système en vigueur, dit « économie de marché
impose la « concurrence », qui nous a mis, aujourd’hui,
en état de guerre économique ouverte (dixit M. CHEYSSON,
après bien d’autres) , avec pour résultat cette crise
que l’on déplore tout en refusant d’examiner les moyens, connus,
pour en sortir. Il paraît que c’est normal.
Cette crise, caractérisée par l’inflation et le chômage,
interdit l’arrêt de la fabrication d’armes, qui assure beaucoup
d’emplois (et prépare la guerre) et leur exportation (qui la
facilite chez les autres) mais permet l’indispensable « équilibre
de la balance des paiements ». Elle impose aussi, à des
pays qui ne savent pas quoi faire de leurs richesses, « l’austérité
», remède préconisé pour réduire l’inflation
et défendre le franc.
Nous nous foutons du franc, nous refusons de crever pour le dollar,
nous ne ferons pas la guerre pour l’argent. Parce qu’il n’est pas besoin
d’argent pour vivre, ni de dollars, ni de francs, mais de biens de consommation.
Nous en regorgeons - et nous les détruisons pour en sauvegarder
la valeur... sans songer à les « donner » à
ceux qui meurent de faim. Nous ne pouvons pas les donner parce que notre
système économique interdit tout acte « gratuit
». Toute activité doit être « rentable ».
On voudrait bien aider le Tiers, et le Quart Monde, mais ils ne peuvent
pas « payer ».
« ...Aucun signe tangible ne laisse prévoir un éventuel
infléchissement du cours des choses, et le système détraqué
reste fidèle à sa folle logique. La théorie économique
en honneur était déjà frappée par la coexistence
contradictoire de l’inflation et de la stagnation, et le mot «
stagflation » décrit ce qu’il n’explique pas... Et pourtant,
prisonnier d’une théorie à laquelle les faits ne répondent
plus, le système, coupé du réel, poursuit imper
turbablement sur sa lancée schizophrène. L’Occident évolue
en pleine économie-fiction ». Claude JULIEN, gérant
du « Monde », écrivait ces lignes dans « le
Monde Diplomatique » d’août 1978...
Alors finissons-en avec ce système dément. Réduisons
les monnaies nationales à un usage strictement intérieur
et déclarons le franc inconvertible, c’est-à-dire non
coté sur les places extérieures, comme l’est le rouble.
Dès lors la France sera vraiment indépendante parce que
la Finance Internationale ne pourra plus descendre en flammes le franc,
comme elle vient de le faire et ne manquera pas de le refaire si le
nouveau gouvernement semble tenté par un socialisme vrai. Comme
elle l’a fait pour l’escudéro d’ALLENDE. Quant au commerce extérieur,
il se porte fort bien avec les pays de l’Est, sous la forme de «
compensation », élégante formule définissant
le troc. Cette méthode peut s’appliquer avec tous les pays développés
et la plupart des autres.
Monnaies stables à l’abri des attaques intérieures et
extérieures :
- la sécurité et l’indépendance de chaque nation
sont assurées ;
- le cours des changes n’est plus qu’un souvenir ;
- la dictature de telle ou telle monnaie et la puissance illimitée
et redoutable qu’elle donne à ses possesseurs ne sont plus qu’un
cauchemar dépassé ;
- la compensation permet le commerce extérieur sans aléas
ni équilibre obligé à court terme.
D’autre part la concurrence n’est plus une guerre parce que le commerce
n’est plus une obligation : on ne produit plus pour vendre, mais pour
vivre, et faire vivre ceux qui manquent de tout, pour satisfaire les
« besoins » des hommes, tant matériels qu’intellectuels,
et non cette recherche lancinante du « profit », cet obscurantisme
devenu but obligé, unique et dégradant de la plupart des
hommes « civilisés ».
C’est cela, le socialisme, et c’est possible dès demain : le
monde a su sortir de l’esclavage, de la féodalité, des
monarchies absolues ; il doit sortir de l’économie marchande,
qui l’a fait vivre depuis que l’homme est l’homme, et qui désormais
les conduit à l’abîme, irrémédiablement.
Il doit entrer dans l’économie des besoins.