Au fil des jours


par  J.-P. MON
Publication : novembre 1981
Mise en ligne : 18 novembre 2008

L’échec des politiques monétaristes chères à Mrs Thatcher, Reagan et autres conservateurs, sans parler des nostalgiques de V.G.E. et du gros Raymond, est chaque jour plus évident : en Grande-Bretagne, le chiffre de trois millions de chômeurs est atteint ; aux EtatsUnis, tout laisse penser que l’économie va entrer véritablement en récession, et malgré les coupes sombres pratiquées dans les budgets sociaux, le déficit budgétaire reste élevé et le déficit de la balance commerciale pour la période allant de janvier à mai 1981 a dépassé seize milliards de dollars. Le gouvernement français a choisi une politique économique diamétralement opposée à la’ politique monétariste mais les résultats se font encore attendre.

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A en croire les déclarations des divers ministres français, on devrait pourtant continuer à espérer. En effet : c’est le Premier ministre, M. Mauroy, qui déclarait le 8 juin dernier au Club de la Presse d’Europe N° 1 : « Nous sommes devant une troisième mutation technologique... La politique du gouvernement est de faire en sorte que l’homme soit maître de la machine...  ».
C’est M. Rocard qui, le 11 juin, disait au 57e Congrès des Coopératives de Consommateurs : « La vocation fondamentale qui est aux origines des activités coopératives et mutualistes est bien de reconnaître la primauté de l’individu sur l’argent, de l’adhérent en tant que partie prenante de l’activité économique et pas seulement dans son statut de salarié ou de client ». C’est M. Mexandeau qui disait dans une interview dans le « Monde Informatique » du 21 septembre : « Le combat pour l’emploi est le premier objectif du gouvernement. Mais il serait tout à fait vain de fonder la création d’emplois sur autre chose que la satisfaction de besoins sociaux ou économiques véritables  ». C’est encore P. Mauroy qui, à propos des nationalisations, déclarait à la radio-télévision autrichienne  : « Nous voulons la maîtrise de l’économie. Il faut nécessairement être présent aux endroits stratégiques de la vie économique. Comment voudriez-vous mobiliser la jeunesse, entretenir l’espoir, s’il n’y avait pas, à côté de l’économie de marché avec ses contraintes (...) un secteur de référence, une sorte d’oasis (...) , un secteur où il y aura de grandes performances sur le plan industriel (...) où il y aurait des expériences très poussées sur le partage des responsabilités entre ceux qui commandent et ceux qui subissent le commandement, un champ d’expérimentation où nous pourrons appliquer ce que nous appelons l’autogestion  ».

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Le malheur, c’est que pour mettre en pratique toutes ces bonnes déclarations, il faut sortir pour de bon de l’économie de marché. Il faut cesser de proclamer que le retour au plein emploi s’obtiendra en relançant la demande et en investissant. Il faut avoir le courage de dire que tous les investissements qui seront faits supprimeront des emplois au lieu d’en créer. Bien sûr, il faut produire plus pour aider, gratuitement, le Tiers-Monde. Ce qui pourra un peu freiner la montée irréversible du chômage. Mais pour que tout cela soit possible, il faut changer totalement de système économique : il faut réduire énormément le temps de travail sans diminution de salaire ; et, pour que les entrepreneurs puissent le supporter, il faut une monnaie qui soit uniquement une monnaie à usage interne, une monnaie de consommation, les achats indispensables à l’extérieur étant réglés par des accords de troc.
De tels accords de troc n’ont rien d’extraordinaire et sont souvent pratiqués : un exemple récent vient d’être donné par l’Algérie qui a décidé de payer en pétrole brut (ça nous intéresse, non ?) ses gros contrats d’importation.
Il est vrai qu’officiellement on n’appelle pas ça des accords de troc mais des accords de « compensation ». Ça change tout !

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C’est le seul moyen d’échapper a la tyrannie du dollar. Le dollar que les Américains manipulent à leur convenance. C’est ainsi que pour payer ses factures, le gouvernement américain vient de recevoir du Sénat l’autorisation d’effectuer une émission supplémentaire de Bons du Trésor. Ce qui porte la dette publique des Etats-Unis à 1 079 milliards de dollars, soit l’équivalent de 4 694 dollars par Américain. Pourquoi les Américains seraient-ils les seuls à jouer avec leur monnaie ?

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Autre fléau de nos économies, l’inflation dont on ne sait plus très bien la définition. Alors, disons pour ce qui suit, hausse des prix. Eh bien, vous serez ravis d’apprendre que pour lutter contre les excédents de matières grasses végétales qui menacent l’Europe Occidentale avec l’entrée de l’Espagne et de la Grèce (sans jeu de mots) dans le marché commun, la Commission Economique Européenne envisage d’appliquer une taxe de 600 francs par tonne sur toutes les huiles produites ou importées dans la Communauté. Outre les 4 milliards de francs de recettes supplémentaires que cela rapportera à la Communauté, la Commission estime que « cela aura l’avantage d’augmenter les prix à la consommation de 4,6 % pour la margarine et de 8,5% pour les huiles. Afin d’aider les producteurs d’huile d’olive qui serait, elle aussi taxée, on accroîtra les aides de la Communauté.
C’est beau la technocratie !