Et maintenant ?

Soit dit en passant
par  G. LAFONT
Publication : juillet 1981
Mise en ligne : 14 novembre 2008

LA fête est finie. Les lampions sont éteints. Le Chant du Départ a succédé à la Marseillaise, la France a trouvé un nouveau président et la commune de Chanonat un nouveau garde-champêtre en remplacement de l’ancien atteint par la limite d’âge.
La fête est finie mais la vie continue. On s’est bien amusé, maintenant, fini de rire et de rêver. Il faut passer aux choses sérieuses. Et d’abord, pour les élus, tenir les promesses faites dans le feu de la compétition durant cette longue campagne électorale.
On voulait du changement ? Le moment est venu. Et c’est ça qui va nous changer un peu. Avouez que si le nouveau président s’avisait de tenir ses promesses au lieu de les mettre au placard, et qu’on n’en parle plus, ce serait quand même une surprise.
La surprise ne sera pas encore pour cette fois, même si le gouvernement issu du dernier scrutin, dans un bel élan de générosité, accorde une augmentation du SMIC, comme on donne un os à Médor pour le renvoyer dans sa niche. Médor se mettra à grogner. Et peut-être à mordre.
Alors, on ne pourra jamais gouverner en France ? Si, mais il faudra que cela change autrement qu’en paroles.
Voilà déjà un demi-siècle, comme disait je ne sais plus quel tribun en mal d’éloquence, que « le char de l’Etat navigue sur un volcan ». Rien ne va plus. L’inflation, qui réduit sans cesse le pouvoir d’achat de ceux qui ont encore un emploi, et le chômage, qui condamne à la misère et au désespoir ceux qui l’on perdu, ces deux fléaux du monde moderne, en dépit de toutes les promesses, de tous les beaux discours et de tous les plans de redressement garantis par des économistes patentés, ne sont pas encore vaincus.
Voilà pourquoi les princes qui nous gouvernent se réveillent un beau matin princes qu’on sort. Devant la défaillance du pouvoir, le citoyen moyen serait incliné à penser que nos hommes d’Etat et tous ceux qui aspirent à le devenir sont des bons à rien et qu’il y aurait intérêt - notre orgueil national dût-il en souffrir - à aller chercher ailleurs, en y mettant le prix, le sauveur que toute la France attend.
Une telle humiliation, rassurez- vous, nous sera épargnée. Ailleurs, demandez à Michel Jobert, cela ne va pas mieux que chez nous, et les mêmes problèmes se posent dans tous les pays dits civilisés qui n’ont trouvé d’autre parade à leurs difficultés qu’en se livrant entre eux à une guerre économique sans merci.
Devons-nous désespérer ? Alors, à quoi bon continuer à jouer à ce jeu de dupes que l’on appelle les élections et dont l’électeur est l’éternel cocu ? A quoi bon se fier aux promesses de représentants qui, une fois élus, et ils le savent, seront incapables de les tenir ? Mais que l’on y prenne garde, le découragement ce n’est pas la résignation. Si le nouveau président, dont je ne suspecte pas les bonnes intentions, ne veut pas finir dans la peau d’un garde-champêtre comme son prédécesseur, il aurait intérêt, aux rares heures de loisir que lui laissent les lourdes obligations du pouvoir, à s’informer, s’il ne l’est déjà, d’une forme de socialisme - ça ne sortira pas de la famille - appelée le Socialisme de l’Abondance, réputé comme étant une utopie par M. Alfred Sauvy, ce qui est plutôt un compliment, et dont on ne parle guère à Sciences Po. Mais il n’est jamais trop tard pour s’instruire.
Il découvrirait alors, ce que les grosses têtes d’oeuf de Matignon et autres pontifes de l’économie ont toujours voulu ignorer, que les causes profondes de la crise qui secoue la planète ont pour origine les progrès foudroyants des sciences et des techniques du XXe siècle. Que l’abondance succédant brusquement à la rareté a mis la pagaille sur les marchés abandonnés par les chômeurs victimes de la machine, et rend caduque la loi de l’offre et de la demande en ébranlant les colonnes du Temple. Le Temple, dont on s’efforce tant bien que mal à colmater les fissures, ne s’en relèvera pas.
Le nouveau président a sept ans devant lui pour réfléchir et, les causes du mal étant connues, apporter enfin un remède au chômage et à l’inflation. Mais le plus tôt sera le mieux.
Quant à l’ancien président, que l’on entendait encore, en pleine campagne électorale, déclarer sans rire : «  Je suis un libéral inguérissable, une variété unique en voie de disparition », son cas me paraît désespéré. Que voulez- vous qu’on en fasse ?

On pourrait le mettre au château de Vincennes où il y a un musée. Et puis, le zoo n’est pas loin.