Ces dames au salon
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Publication : juin 1981
Mise en ligne : 7 novembre 2008
Rien ne va plus. En ouvrant la campagne électorale, en mars dernier - c’était l’heure du bilan et on jouait « cartes sur table » - le candidat-président a bien été obligé de reconnaître, sans le dire expressément pour ne pas démoraliser ses électeurs, et sans aller jusqu’à prononcer le mot faillite . ses chalengers l’auront fait pour lui - que pour un septennat qui devait apporter la solution aux problèmes de l’inflation et du chômage, c’était plutôt raté.
Un million sept cent mille chômeurs officiellement recensés, sans parler de la hausse des prix accélérée et du déficit de la balance des paiements, c’est un beau record. Un record atteint il faut le dire, sa modestie dût-elle en souffrir, grâce à la compétence du premier économiste français, Raymond Barre. Mais ce n’est pas une raison pour pavoiser. Le candidat-président peut toujours se consoler en disant : « Je ferai mieux la prochaine fois. »
On peut, certes, faire confiance à l’auteur de « DEMOCRATIE FRANÇAISE » qui écrivait à la page 121 de cet immortel chef-d’oeuvre : « Le plein emploi permanent est l’objectif prioritaire de la conduite d’une économie avancée... » Et page 1.22 : « La lutte contre l’inflation est indispensable au progrès de notre société... » Il ira loin ce garçon. Mais il faut lui laisser le temps. Et un nouveau septennat, voire un septennat nouveau ne serait pas de trop pour réaliser cette promesse irréfléchie d’un candidat à court d’idées. Ce n’est pas en sept ans, avec tout le boulot qu’il y a à faire à la boutique, et la pagaille qu’y ont laissée les anciens locataires, qu’on peut faire des miracles. On commence seulement à y voir plus clair. Alors, un peu de patience, que diable...
D’accord, mais la patience a des limites, vous diront les jeunots qui arrivent sur le marché du travail et voient chaque jour, avec l’apparition des nouvelles techniques de production, se réduire leurs chances de trouver un emploi. Ils avaient cru, les naïfs, sur la foi de nos économistes distingués, que la machine crée plus d’emplois qu’elle n’en supprime. Sans blague ? Un million sept cent mille chômeurs, avec les tout jeunes qui n’ont pas encore trouvé de boulot et les moins jeunes mis à la pré-retraite pour cause de « dé. graissage » et qui ne figurent pas dans les statistiques, ça fait déjà beaucoup de monde. Si encore ils ne votaient pas.
Et voilà maintenant que l’électronique, la dernière trouvaille de la science moderne, vient nous compliquer l’existence. Non, décidément. rien ne va plus. L’introduction de plus en plus généralisée du robot dans l’industrie. et de l’ordinateur dans le secteur tertiaire longtemps en expansion, va encore conduire les entreprises, pour rester compétitives, comme on dit, à de nouvelles réductions de leurs effectifs. Mais les plus menacés par cette transformation seront les employés du commerce, de la banque, des services, de l’administration, qui occupent beaucoup de femmes.
Madame Pasquier, qui préside à la « condition féminine » et se sent elle aussi concernée, s’est inquiétée de cette situation. Selon Le Monde dit 12 janvier dernier, « elle prévoit qu’à partir de 1985 le travail des femmes sera probablement indispensable pour permettre à la collectivité de supporter les inactifs. »
Qu’est-ce à dire ?
Que ces dames, pour sauver la France et la Sécurité Sociale au bord de la faillite, et faute de retrouver le travail qui leur était jusqu’ici réservé dans les bureaux, remplaceront les travailleurs immigrés décidément infréquentables, pendant que, comme en Afrique, les hommes feront la sieste ?
Ou bien, puisque nous sommes des gens civilisés, qu’elles devront reprendre « le plus vieux métier du monde », tant que le robot ne les y aura pas remplacées, mais tous les espoirs restent permis - tandis que les Jules, d’une terrasse de café, surveilleront les opérations et le tiroir-caisse ?
« Ce ne sera pas encore le chaos dont nous a déjà menacés le candidat sortant, mais, comme dirait Coluche, ce mal embouché, déjà le bordel. »
Cela dit, je souhaite bien du plaisir au nouveau président.