Les innocents
par
Publication : mai 1981
Mise en ligne : 28 octobre 2008
LE facteur a déposé dans ma boîte à lettres,
il y a quelques jours, une circulaire de « Frères d’espérance
», mouvement international qui « lutte pour que disparaissent
de la terre : la faim, la maladie, l’ignorance, l’oppression, la guerre
». Le thème du message, cette fois-ci, est le sort des
enfants du monde face à des systèmes qui, quels qu’ils
soient, cherchent davantage à se perpétuer qu’à
assurer le bien-être de ceux qu’ils administrent.
Afin de sensibiliser ses lecteurs, s’il en était besoin, la circulaire
cite des faits et des chiffres qui donnent froid dans le dos. Certains
ont été empruntés à l’hebdomadaire «
La Vie ». Je ne peux résister au désir de les communiquer.
En ce moment, dans le monde, 500 millions d’enfants souffrent de malnutrition
; 200 millions ne reçoivent aucune éducation ; 50 millions
sont astreints à un travail proche de l’esclavage. Plus de la
moitié des 10 à 15 millions de réfugiés
qui hantent le monde sont des enfants.
En Thaïlande, les enfants sont vendus moins de 280 francs aux usines
et aux bordels de Bangkok. Au Paraguay, des gamines de 12 à 13
ans sont (déjà !) rejetées des maisons de prostitution.
Au Maroc, des enfants travaillent tout jeunes à des tâches
trop dures, comme cette petite fille de 9 ans amputée par le
métier à tisser trop lourd qu’elle ne savait pas manier.
Ceux-là sont victimes des « lois économiques »,
d’autres de la violence policière comme ces 400 bébés
argentins qui ne connaîtront jamais leurs mères torturées
et exécutées. Il faut s’arrêter, car tout cela est
insupportable ; mais la liste n’est pas close.
QUE FAIRE ?
On peut, bien sûr, comme le font les Frères d’Espérance,
apporter une aide ponctuelle. C’est bien mieux que rien. On le devine,
les sommes nécessaires à résoudre cet effroyable
problème du malheur des innocents, sont considérables.
Mais, souligne la même circulaire « pour éliminer
la variole, il a fallu vingt-cinq ans aux médecins de la planète.
Il fallait trouver 30 millions de dollars, c’est-à-dire 5 heures
des dépenses mondiales en faveur de l’armement ». On voit
bien où continuent à aller les priorités des gouvernements.
Et ce n’est pas M. Reagan, ni M. Brejnev qui diront le contraire.
Pendant qu’on fourbit des armes de plus en plus meurtrières et
coûteuses, on délaisse (mais ne sont-ils pas plus difficiles
à résoudre ?) les problèmes tragiques que pose
la croissance rapide d’une population mondiale qu’on ne maîtrise
plus. Prenons-en pour exemple l’extraordinaire surpeuplement dont souffre
l’Indonésie, malgré une politique antinataliste vigoureuse.
On s’achemine à Java vers des densités de 1 000 habitants
u kilomètre carré, qui se pressent sur un sol épuisé
par la déforestation et l’utilisation intensive dès engrais.
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Pour remédier efficacement à ces désordres profonds
qui mènent la planète aux dérèglements les
plus graves et font peser la menace d’un holocauste massif, il faut
instaurer un nouvel ordre mondial. Les hommes politiques doivent percevoir
enfin l’interdépendance des nations et l’admettre. La Situation
actuelle où le monde se partage entre un cinquième de
riches et quatre cinquièmes de pauvres dont les effectifs vont
croissant ne peut se prolonger indéfiniment.
Je voudrais citer pour conclure un texte du Dr Jean Barry que me communique
un de nos lecteurs, M. Convard René : « Une véritable
crise mondiale de société et de civilisation est engagée.
L’humanité de demain aura à choisir entre sa fin et son
devenir. Seul le cerveau humain, par une élévation du
niveau de conscience, une flambée d’intelligence et de lucidité,
peut et doit nous détourner de cette apocalypse. »