A qui gagne perd !
par
Publication : avril 1981
Mise en ligne : 24 octobre 2008
CETTE fois le jeu est bien lancé, le départ pour la course
présidentielle est donné. Et les électeurs n’ont
aucune illusion à se faire. Se retrouveront en tête après
le premier tour nos quatre grands et sans doute dans l’ordre numérique
des voix obtenues : Giscard, Mitterand, Marchais, Chirac. De toute
façon, l’ordre importe peu et au second tour ce sera le match
au sommet, selon toute vraisemblance, entre Giscard et Mitterand.
A moins que...
Car s’il ne fait aucun doute de voir Mitterand représenter ce
qu’il est convenu d’appeler « la gauche », par
contre, de l’autre côté, rien n’est encore joué.
En fait, la situation intérieure et extérieure est telle
dans les domaines sociaux, financiers et économiques, que l’on
peut penser à juste titre que l’enjeu de la partie est une belle
gamelle à ramasser et qu’elle ne peut être que celle que
l’on souhaiterait voir prendre à son pire ennemi.
Considérée en elle-même, cette élection présidentielle
française n’a pas dans le contexte international actuel une importance
primordiale. Les ficelles de l’économie et des finances du monde
sont tirées, depuis belle lurette, par un symposium de têtes
choisies pour lesquelles les nations, en tant que telles, n’existent
déjà plus. Et l’on ne peut que considérer avec
une ironique dérision les contorsions auxquelles se croient obligés
de se livrer nos candidats pour essayer de rendre encore plus crédible
et payant le mythe de l’indépendance de la France.
Car les têtes citées plus avant ont réussi à
instaurer, dans l’ensemble des relations internationales, un tel désordre,
que ce soit en matière d’échanges commerciaux, techniques
ou culturels, ou en matière de monnaie et de rapports financiers,
que ce désordre interfère dramatiquement dans la vie intérieure
de tous les pays.
Ah ! comme il est beau Michel Debré lorsqu’il prétend
que notre pays a les moyens de se faire respecter tous azimuts. Comme
il nous prend aux tripes le fier Chirac quand il en rajoute sur son
compère dans le même sujet. Comme il sait nous toucher
du côté du coeur avec son projet de suppression de l’impôt
sur le revenu et de la taxe professionnelle ! (en se gardant bien
toutefois de nous préciser comment il assurerait, dans ces conditions,
l’équilibre budgétaire national).
Mais, par contre, comme il nous prend bien pour ces animaux chers au
seul grand général de notre histoire contemporaine, lorsqu’il
envisage, en accord avec l’ineffable Rueff, et ce, pour donner à
la monnaie une valeur stable et significative, de rattacher cette dernière
à l’étalon-or ! Au moment même où l’exemple
du pétrole démontre tous les jours les dangers présentés
par une matière de base dont tous les pays n’ont pas la même
disposition, la France aurait bonne mine face à l’Afrique du
Sud et à l’URSS, malgré les réserves de la Banque
de France et des bas de laine des Français !
Mais c’est surtout le non-sens, sinon l’absurdité, d’une telle
opération qui frappe les esprits réfléchis, alors
que la monnaie, bien au contraire, devrait s’adapter’ à la révolution
économique et sociale en cours, pour ne plus être que l’élément
facilitant la répartition des produits, des biens et des services
entre les consommateurs. Lui rendre un rôle restrictif et sélectif,
rôle qu’elle a dû abandonner depuis longtemps par la force
des choses, constituerait une régression invraisemblable et insupportable.
Du côté de la gauche, le « suspense »
est moindre, car les jeux, de toute évidence, y sont faits depuis
longtemps.
Mitterand est, par la volonté de Moscou, le candidat du 2e tour.
Il n’a pas le choix et Marchais joue sur le velours, car il gagne, quelque
soit le résultat, et Moscou avec lui.
Si Mitterand est élu, la gamelle qui lui écherra sera
non seulement celle que la situation économique et financière
internationale lui réserve, mais, sur le plan intérieur,
ces problèmes seront aggravés par l’attitude non coopérative
de ses pseudo-alliés du P.C.F. qui n’auront de cesse de susciter
revendications, grèves et mouvements divers propres à
lui rendre la situation impossible et à démontrer par
cela même son incapacité à occuper le poste auquel
l’aura porté une élection démocratique.
Alors, amis lecteurs et électeurs, que conclure ?
Qu’il serait temps de prendre conscience de la chance inouïe donnée
par les progrès techniques à l’humanité et d’aider
tous ceux qui, comme les amis de J. Duboin, se battent depuis un demi-siècle
pour lui permettre de la saisir.