Halte au pillage
par
Publication : avril 1981
Mise en ligne : 24 octobre 2008
« L’extinction d’une espèce peut avoir un effet direct sur notre vie quotidienne. Dans le monde entier, on consomme de plus en plus de produits alimentaires ou pharmaceutiques et l’industrie utilise de plus en plus de matières tirées des espèces animales et végétales des forêts tropicales. Les réserves que constituent ces espèces peuvent être rangées parmi les matières premières les plus précieuses pour la société. Toute réduction de la diversité de nos ressources limite notre capacité à réagir aux nouveaux problèmes qui se posent à nous. » (National Academy of Sciences, USA).
UN TRESOR DILAPIDE
Les forêts tropicales commencent à disparaître.
Du Zaïre au Brésil, de l’Indonésie au Guatemala,
les fragiles écosystèmes tropicaux qui font vivre peut-être
les deux tiers des 4,5 millions d’espèces animales et végétales
de la planète sont soumis au massacre. Au nom du progrès,
l’humanité passe au bulldozer, inonde, abat et brûle un
vaste trésor scientifique et technologique. Ce faisant, on est
peut-être en train de faire disparaître définitivement
les réponses aux problèmes mêmes qui poussent les
hommes à cette destruction sans précédent de l’environnement.
Le président de la Commission de biologie tropicale de la National
Academy of Sciences déclare : Plus de 20 hectares de forêt
tropicale sont défrichés chaque minute, ce qui fait environ
11 millions d’hectares par an... L’écharpe de forêts tropicales
qui autrefois ceignait la terre entre les tropiques du Cancer et du
Capricorne a été ramenée de 41 millions de kilomètres
carrés à 23 millions. Sous la poussée formidable
des humains en quête de nourriture et d’énergie, dont le
nombre va doubler d’ici l’an 2000, la destruction de ce qui reste sera
pratiquement achevée dans 50 ans. »
LA FIN DES ESPECES
Les espèces s’éteignent rapidement. Selon un écologiste
du Kenya, le monde perd une espèce par jour et, d’ici la fin
du siècle, la population du globe sera peut-être bien réduite
au rythme quotidien de cent espèces. Les espèces animales
et végétales disparues sont d’ailleurs souvent remplacées
par des espèces intelligentes et opportunistes telles que les
mauvaises herbes, les rats, la mouche domestique et les moineaux jugés
inutiles.
Près de la moitié des forêts tropicales d’Afrique
a été consommée. En Inde, au Sri Lanka et en Birmanie,
la proportion atteint les deux-tiers Selon certains experts il n’y aura
plus de forêts à Madagascar, aux Philippines et en Malaisie
dans 10 ou 20 ans.
Les responsables de ce pillage ne sont pas seulement les exploitants
en quête de bois, de terres cultiver ou de pâturages mais,
en proportion égale, les populations pauvres et mal nourries
qui cherchent désespérément les terrains qui vont
leur fournir de quoi se nourrir, faire chauffer leurs aliments et se
procurer un peu d’argent. Venus des grands centres surpeuplés,
ignorant les techniques agricoles, ces nouveaux arrivants adoptent des
méthodes intensives qui épuisent le soi et ne permettent
pas à la forêt de se régénérer.
En agissant ainsi, ces populations ne résolvent leurs problèmes
qu’à très court terme et sont lancées dans une
espèce de fuite en avant. Le malheur est grand aussi pour la
planète entière car les espèces végétales
de la forêt tropicale recèlent, selon les experts, des
trésors de substances utiles comme les gommes, le latex, les
résines, les huiles. Certaines sont utilisées par les
Indiens comme contraceptifs, d’autres ont la vertu de repousser les
insectes. Quant aux possibilités offertes à l’industrie
pharmaceutique elles sont très prometteuses. C’est ainsi que
la pervenche de Madagascar a déjà donné des résultats
dans le traitement de la leucémie.
L’ESPOIR
Une toute autre attitude à l’égard de la forêt
doit être possible puisque les anciens Mayas du Yucatan faisaient
vivre peut-être trois millions de personnes dans une forêt
tropicale aujourd’hui dépeuplée. Le tout est de savoir
tirer parti des énormes ressources qu’offre la forêt en
elle-même. Les protéines du fruit de l’arbre à pain
sont supérieures à celles du maïs ou du manioc et
la récolte peut atteindre sept tonnes à l’hectare. Les
Indiens de l’Etat de Chiapas au Mexique tirent de la forêt 80
variétés de plantes alimentaires ainsi que du poisson.
C’est donc vers les aborigènes qu’il faut se tourner pour apprendre
un domaine que les autres populations ignorent et saccagent.
Sans doute, il y a là de quoi stimuler l’ingéniosité
(et l’humilité) des gouvernements. Puissent-ils se pencher rapidement
sur ces graves problèmes.