Au fil des jours


par  J.-P. MON
Publication : avril 1981
Mise en ligne : 24 octobre 2008

Mourir de faim et de froid à cause du chômage, c’est pour la police une mort naturelle : licencié par Peugeot en juillet 1979, un jeune homme de 25 ans a été découvert mort de faim et de froid dans un hangar qui lui servait d’abri. Il ne pesait plus qu’une quarantaine de kilos. C’est un huissier qui a découvert son corps en venant lui notifier une citation à comparaître devant le tribunal. L’enquête de police a conclu « mort naturelle ».

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A Blois, c’est un jeune père de famille de 25 ans qui s’est donné la mort en se tirant un coup de carabine en plein coeur. Il était au chômage depuis huit mois et, venant de perdre son indemnité, il n’avait plus aucune ressource.

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Mais tout cela n’est que péripétie subalterne : Giscard s’occupe activement de résoudre le problème de l’emploi pour les jeunes. Après tout, ils n’avaient qu’à attendre un peu, non ?

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La C.G.T. a organisé une grande manifestation pour défendre l’industrie automobile française. Entre autres arguments, elle soutient que le parc automobile français a six ans d’âge et doit donc être renouvelé. Ne vaudrait-il pas mieux construire des voitures qui durent plus longtemps ? Au même moment, G. Marchais déclarait qu’il faut s’attaquer avec rigueur à l’élimination de tous les gâchis du système actuel : gaspillage de matières premières, etc... La C.G.T. donne l’exemple.

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Les Américains sont de plus en plus mécontents de la politique japonaise d’exportations d’automobiles et de moyens de défense. En effet, les divergences d’intérêt des deux pays restent de taille et menacent même de dégénérer en crise politique. Les pressions en faveur de mesures protectionnistes s’accroissent et leur mise en place paraît inévitable. (Les Japonais occupent près de 25 % du marché automobile américain). En 1980, l’industrie américaine a licencié plus de 200 000 ouvriers sur un total de 700 000 pendant que les Japonais vendaient 2,4 millions de voitures et de camions aux U.S.A. Certains hommes politiques et dirigeants syndicaux poussent le gouvernement à adopter une législation limitant les importations de voitures japonaises à un niveau acceptable. Le problème risque d’être d’autant plus difficile, souligne le correspondant du «  Monde » à Tokyo, qu’au Japon, comme sur les marchés européens, les fabricants sont confrontés à une « saturation du marché intérieur », poussent leurs exportations et cherchent à retarder l’ouverture de négociations qui les limiteraient.
Autre point de friction américano-japonais : l’effort de défense du gouvernement japonais, qui n’a prévu que 7,61 % d’augmentation des crédits correspondants, alors que les U.S. considéraient qu’ils devaient au minimum en prévoir 9,7 %. Le chef du gouvernement japonais, M. Susuki, affirme qu’il ne faut pas s’attendre à voir le Japon assurer un rôle militaire dans les relations internationales et qu’il reste très attaché à sa politique antimilitariste et antinucléaire : « J’ai l’intention de dire franchement au Président Reagan que le Japon, nation pacifique, contribue à la promotion de la paix internationale par des mesures d’aides économiques et technologiques », vient-il de déclarer.

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L’automobile aura pourtant une nouvelle jeunesse. Mais après 1990 et grâce à l’hydrogène. C’est ce que nous dit la revue « Energies » du 16 janvier 1981 : « Les progrès de la technologie permettant d’utiliser l’hydrogène comme combustible pour les transports, laissent penser que d’ici dix à quinze ans, les voitures pourront rouler à l’hydrogène. Il est même probable que la première génération sera commercialement disponible d’ici 1990. Le problème le plus important est celui du stockage qui doit être performant et sûr. Le principe dit « de l’éponge » a été retenu : il consiste à stocker l’hydrogène dans un métal éponge qui puisse le restituer à volonté. Une des éponges les plus intéressantes est constituée par un mélange de magnésium et de 10 % de lanthane-nickel. Le stockage de l’hydrogène à bord des véhicules pourrait se faire en utilisant à la place du réservoir d’essence un réservoir hermétique rempli de poudre métallique absorbant l’hydrogène insufflé et le restituant au fur et à mesure des
besoins.

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En attendant, les pays arabes producteurs de pétrole ne savent pas quoi faire de leurs excédents de dollars. Alors ils en prêtent à tout le monde : l’agence monétaire de l’Arabie Saoudite prête discrètement des milliards de dollars à I.T.T., I.B.M., Dow Chemical... Les Kowétiens détiennent pratiquement 5 % du capital des vingt premières banques américaines, un pourcentage très important du capital d’Eastern Airlines et de très gros paquets d’actions de Exxon, Texaco, Getty Oil, Mobil... La Lybie possède 10 % du capital de Fiat ; les banques arabes ont de très grosses participations dans les industries de pointe japonaises. Les actifs de l’O.P.E.P., au total et en milliards de dollars, sont passés de 7 en 1963 à 100 en 1975, 160 en 1978, 343 en 1980. Les estimations prévoient 450 en 1981, 600 en 1982, ...plus de 1 000 en 1985. Autrement dit, les pays de l’O.P.E.P. sont en train de créer un nouveau système bancaire international qui leur facilitera la prise de contrôle des ressources financières mondiales d’ici à 1990.