Cet homme est dangereux

Éditorial
par  J.-P. MON
Publication : avril 1981
Mise en ligne : 24 octobre 2008

IL se fout de nous, et depuis longtemps. Avant d’être Président de la République, il était Ministre des Finances. Il nous disait tous les ans que l’inflation ne dépasserait pas tant pour cent. A la fin de chaque année, c’est le double qu’on avait !
Devenu Président, grâce aux voix des Commores et de Mayotte, il a continué à bourrer le crâne des Françaises-Français  : l’inflation dépasse les 13 % par an (les prix ont doublé en 7 ans), le chômage a été multiplié par 4, sous son septennat, les faillites se sont accumulées*, le déficit du commerce extérieur s’accroit, le pouvoir d’achat des salariés diminue. Et c’est le même homme qui a l’impudence de se présenter comme un homme nouveau.
Dans sa déclaration du 2 mars 1981, il a dit : « Le Président de la République continuera sa tâche jusqu’au bout, comme c’est son devoir. Le candidat s’en distinguera entièrement. Je ne serai pas un Président-candidat, mais un citoyen- candidat  ». Or, moi, simple citoyen, je me suis présenté à la Maison de la Radio et de la Télévision, Quai Kennedy, pour faire une déclaration en tant que candidat à la Présidence de la République, eh bien, on m’a foutu dehors ! Encore heureux qu’on ne m’ait pas fait interner dans un hôpital psychiatrique !
Giscard nous dit encore : « Le Président ne peut être l’homme d’un parti ». D’un parti politique, peut-être pas, mais du parti des banques et des grandes industries, certainement. Il n’y a qu’à voir d’où père, frères cousins, enfants tirent leurs revenus.
Nous aimerions aussi savoir d’où le citoyen-candidat Giscard tire l’argent nécessaire à sa campagne électorale  ? Et comment il dispose des fichiers électoraux et des préfets eux-mêmes ?
- C’est cet homme nouveau, qui, comme le dit son comité de soutien « s’engage à ce que la France demeure une terre de liberté : la patrie des Droits de l’homme », MAIS la France de V.G.E. n’accepte pas toutes les conditions de la Convention Européenne des Droits de l’homme. En particulier, un simple citoyen Français ne peut pas présenter un recours quelconque devant la Cour de Justice Européenne.
- C’est « celui qui, sans fausses promesses, poursuit l’effort qui a permis à la France de créer en sept ans plus d’emplois que n’importe quel autre pays européen », MAIS au 1er janvier 1981, le chômage frappait 5,1% de la population active en Allemagne et 7,5 en France. Le Royaume-Uni en est, il est vrai, à 9,3 %... mais on fera mieux si on laisse Giscard en place pour un second mandat.
- C’est « celui qui a su, malgré la tempête-économique, faire progresser notre pouvoir d’achat » : 23% pour les Français, contre 16% pour les Allemands, 15% pour les Américains et 13 % pour les Anglais, MAIS, comme le montre le deuxième rapport du Centre d’Etudes des Revenus et des Coûts (1979), pour payer leurs biens de consommation courante, les Allemands ont moins à travailler que les Français et, d’une manière générale, les salariés français ont un pouvoir d’achat moins élevé que celui des Allemands.
- C’est « celui qui défend inlassablement la paix » MAIS la France est devenue le troisième exportateur mondial d’armements, le premier par tête d’habitant.
- C’est « celui qui n’oublie pas les pays les plus pauvres », MAIS la France ne consacre que 0,59% de son produit intérieur brut à l’aide aux pays sous-développés et la plus grande partie de cette aide (40 %) va aux Territoires et Départements Français d’Outre - Mer clientèle électorale oblige  !
C’est encore V.G.E. qui se targue d’avoir réduit les inégalités. En fait, le fossé entre les plus riches et les plus pauvres n’a cessé de s’agrandir et l’inégalité des patrimoines est encore plus considérable que celle des revenus : en 1977, 10 % des plus fortunés détenaient la moitié du patrimoine national**.
Il a au moins défendu le Franc, dit-on. Même pas. De 1975 à 1980, le cours du Mark allemand a monté de 36 % et la Livre anglaise de 23 %.
En un mot, Giscard a échoué sur toute la ligne. Il n’y a guère que l’U.R.S.S. et les banques pour soutenir le contraire. Alors n’hésitons pas ; renvoyons-le dans ses châteaux. Ça fera un chômeur de plus, mais rassurez-vous, il n’est pas dans le besoin.
Il pourra vivre sans travailler et ne pourra donc pas dire que l’économie distributive est une utopie !

* De 1977 à 1980 le nombre des faillites d’entreprises industrielles en France a augmenté de 70 %.
** Dans « Economie et Statistiques », n°98 de mars 1978.