Bagatelles pour un septennat
par
Publication : juin 1980
Mise en ligne : 6 octobre 2008
Confidences recueillies par Jacques VEAU (ex Bonhomme) Français Moyen et rapportées par E. R. BORREDON.
J’évoquerai maintenant, dans un autre ordre d’idées, les
péripéties qui ont émaillé l’établissement
du budget national pour l’exercice 1980.
Je rappellerai pour mémoire les difficultés croissantes
d’année en, année, d’établir un budget en rigoureux
équilibre financier et donc conforme à la règle
qui demeure la base de notre système économique.
En fait, il y a belle lurette - vous excuserez, j’en suis assuré,
cette expression triviale dans mes propos - que j’ai rompu avec le consentement
officiellement réservé par notre grand argentier à
cet impératif.
Mais il convenait d’en conserver l’apparence formelle à notre
budget.
Si nous y sommes parvenus au cours des premières années
du septennat, cela est devenu quasiment impossible ces dernières
années.
Après avoir été ainsi contraint d’admettre des
déficits budgétaires dont nous ne pouvions plus éviter
la croissance d’un exercice sur le suivant, nous nous sommes décidés
à frapper un grand coup en arrêtant et présentant
à la décision des assemblées légiférantes
l’ensemble des dépenses avant de préciser les recettes
dont elles auraient dû logiquement dépendre.
Comme vous le savez, cette pratique a très mal tourné
et le Conte il Constitutionnel n’a pas hésité à
constater le flagrant délit antiréglementaire.
Je me suis empressé de reporter sur mon Premier ministre la responsabilité
de ce camouflet, ce qui n’a d’ailleurs trompé personne.
Après une regrettable comédie de motions de censure régulièrement
rejetées, le budget 1980 a été cependant ratifié
comme nous l’avions primitivement établi avec un excédent
des dépenses sur les recettes d’environ 40 milliards.
Alors, vous dites-vous, comment allons-nous nous en tirer ? Rassurez-vous,
c’est très simple.
Cette règle de l’équilibre financier rigoureux est en
fait parfaitement illusoire et je ne l’ai moimême jamais respectée
ni aux finances, ni dans mes fonctions de Chef de l’Etat. Moyennant
des contre-parties intéressantes, mais qui n’ont pas à
être divulguées sans précaution au public, l’Etat
trouve sans aucune difficulté auprès des principaux établissements
et organismes financiers de Crédit tous les concours qui lui
permettent de faire face à l’intégralité de ses
dépenses budgétaires sans avoir à modifier l’insuffisance
de ses recettes.
C’est également grâce à ces concours financiers
hors budget qu’il a été possible de mettre, à la
disposition des gouvernements africains amis, des centaines de milliards
sans jamais obérer l’équilibre de nos comptes, qui n’ont
pas davantage été en danger lorsque j’ai relevé
ces gouvernements d’une partie importante de leur dette.
Et si nous restons attachés à la règle de la rentabilité
financière dont nous exigeons le respect par la majorité
des petites et moyennes entreprises, c’est qu’elle présente pour
leurs dirigeants l’attrait du profit personnel plus facile à
exploiter que celui de l’intérêt général
pour lequel serait suffissante la rentabilité qualitative et
quantitative. En outre, il nous est ainsi possible de favoriser par
l’octroi de crédits incontrôlés et incontrôlables
des intérêts privés qui savent nous en être
reconnaissants. Vous m’avez compris et je n’ai pas besoin de vous en
dire plus sur ce sujet.
(A suivre)