Au fil des jours
par
Publication : juillet 2001
Mise en ligne : 22 septembre 2008
Avis de spécialiste
À propos des entreprises citoyennes (ou, si l’on préfère, du “capitalisme compassionnel”, vanté aux États-Unis par G.W. Bush), la limite est vite atteinte puisque la raison d’être de l’entreprise est de faire du profit. Comme l’a dit Georges Soros au Sommet de Davos en février dernier : « Je ne crois pas trop à l’éthique car on ne peut demander aux entreprises de se dénaturer ».
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Démagogie sportive
15 personnes, dont 3 assureurs et un banquier, ont été mises en examen pour « blanchiment d’argent en bande organisée », les 26 et 27 avril dernier, par la juge parisienne Dominique de Talancé, qui enquête sur une filière d’évasion fiscale [1]. Selon le Journal du Dimanche du 29 avril, une société luxembourgeoise d’assu-rance-vie, PanEuroLife, aurait proposé à des centaines de commerçants français, artisans et dirigeants de PME, des placements destinés à leur permettre d’échapper au fisc.
Présidée par l’ancien président de la commission européenne, (1981-1984), le luxembourgeois Gaston Thorn, cette société PanEuroLife garantissait à ses clients la confidentialité de leurs placements. Les transactions, portant sur plusieurs centaines de millions de francs, s’effectuaient essentiellement en espèces via le compte chèques postal d’une banque française basée à la Défense, qui assurait le transit des fonds vers le Luxembourg. La direction des Postes [2], étonnée par le volume des dépôts en espèces, dont l’origine reste à déterminer, avait alerté la justice en 1997.
En complément à cette information, nous venons d’apprendre [3] que parmi les principaux inculpés figure Claude Bébéar, fondateur d’AXA et président du comité de candidature de Paris aux jeux olympiques de 2008. Ce qui en embête plus d’un… à droite comme à gauche. Certains vont même jusqu’à dire que la juge aurait, au moins, pu attendre la décision du Comité International Olympique avant de mettre Bébéar en examen pour blanchiment aggravé. Jusqu’où ira donc la démagogie ?
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Rule America …
Cela semble être le but ultime de la politique de G.W. Bush et de son gouvernement. Son secrétaire d’État au Trésor, Paul O’Neill s’est prononcé contre le programme de lutte anti-pauvreté mis au point par la Banque mondiale. Selon lui, la Banque et le Fonds monétaire international doivent se cantonner au plus petit rôle possible. Bien qu’officiellement les états-Unis veuillent développer au maximum les échanges mon-diaux, il n’est pas question, pour eux, que l’on tente d’en réguler les effets les plus néfastes, qu’il s’agisse des crises monétaires ou de l’environnement. En particulier, il est hors de question de rénover le mandat des institutions de Bretton Woods pour les adapter à la globalisation des échanges.
Bien pire, malgré ses déclarations péremptoires sur la lutte contre le trafic de drogue, la corruption, etc… le gouvernement américain ne veut pas entendre parler de la moindre tentative de réglementation qui pourrait être proposée par l’OCDE pour lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment de l’argent du crime. Tant pis si les paradis fiscaux jouent un rôle-clé dans les grandes crises financières (Asie, Russie, …) consécutives à la libéralisation des échanges.
« L’administration Bush est un gouvernement du business, représentant l’industrie américaine … La motivation des nouveaux dirigeants à Washington est très simple. Ils entendent que les ètats-Unis puissent n’en faire qu’à leur tête » [4].
Le reste du monde n’a qu’à bien se tenir !
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La guerre économique
Elle bat son plein entre les États-Unis et l’Union européenne. Dans l’agriculture, le contentieux reste entier en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés et la viande aux hormones : la France, comme plusieurs autres pays européens, reste attachée au moratoire mis en place en 1999, ce qui révulse les fermiers américains, fervents supporters de G.W. Bush. Dans l’industrie, la bataille s’annonce encore plus rude, notamment en ce qui concerne l’acier et l’aéronautique. Le 5 juin, le Président américain a fait ouvrir une enquête sur les importations d’acier aux États-Unis et les sidérurgistes européens craignent que les ètats-Unis adoptent des mesures ultra-protectionnistes en faveur des fabricants d’acier américains, même si cela doit plonger le marché mondial de l’acier dans le chaos. Quant à l’aéronautique, les Américains estiment que la construction de l’Airbus géant A380 est indirectement subventionnée par les pouvoirs publics, par le biais des travaux d’élargissement des routes qui doivent être effectués dans le Sud-Ouest pour amener les pièces détachées d’Airbus de Bordeaux à Toulouse. En cas d’attaque en ce domaine, les Européens riposteraient en mettant en cause le régime fiscal très favorable appliqué aux sociétés exportatrices américaines.
Plus globalement, dans cette guerre économique ouverte, l’Organisation Mondiale du Commerce a à traiter 16 plaintes (14 émanant de l’Union européenne contre les Etats-Unis et 2 des Américains contre l’Europe).
[1] Le Monde, 2 mai, 2001.
[2] On peut se demander ce qui se serait passé si les dépôts avaient été effectués au guichet d’une banque ???
[3] Le Monde, 15 juin, 2001.
[4] International Herald Tribune, 17 mai 2001.