L’homme distrait est, et sera, puni
par
Publication : novembre 1978
Mise en ligne : 8 septembre 2008
SI, distraitement, vous traversez la route sans regarder
à gauche et à droite, vous serez réduit à
l’état du hérisson qui agit de même et dont c’est
la fin naturelle selon les statisticiens naturalistes contemporains.
Si, toujours distraitement, vous posez votre main bien à plat
sur la plaque chauffante de votre cuisinière électrique
(où rien n’indique le danger), vous ferez disparaître vos
empreintes digitales et la police vous le reprochera un jour.
Si, distrait, vous oubliez de laver la vaisselle, votre femme n’oubliera
pas de vous engueuler. Si. perdu dans la pensée pythagoricienne
ou, plus aimablement dans l’idée de retrouver les sphéricités
de Lulu, vous confondez l’accélérateur avec le frein,
un platane amnésique se précipitera sur votre carrosserie.
Donc, le moindre oubli, ou la plus grave omission est inexorablement
sanctionné. C’est la « Modern Life ». Mais jusqu’ici
l’on peut dire que c’est de votre faute, que vous n’aviez qu’à
veiller à ce que vous faites ou ne faites pas, qu’il y a un minimum
ou un maximum d’élémentaires précautions. à
prendre et que vous êtes puni par où vous avez pêché.
Bien.
Mais où les choses se compliquent, c’est lorsque l’Etat, son
Administration ou leur& émanations, s’en mêlent en
contraignant le bipède distrait à être attentif
en exécutant, à leur place, leur propre boulot.
Exemples empoignés sur le vif :
- Si vous laissez passer de 24 h la date de régler vos impôts,
vous paierez 10 % en sus, alors que le Trésor public pourrait
vous signaler cette ommission.
- Si vous vous trompez en calculant vous même votre tiers dit
provisionnel, idem au cresson, 10% !
- Si vous oubliez de reproduire le numéro de votre Carte orange
sur le coupon mensuel que vous venez de payer, vous êtes considéré
comme voyageant sans titre de transport valable.
- Encore itou, si vous avez omis de poinçonner, vous même,
un billet acheté au guichet, etc., etc...
Dans tous ces cas, les Services Publics n’ont fait leur travail qu’à
moitié, reversant sur le dos du contribuable ou de l’usager,
la finition de l’ouvrage. Non seulement, ceci à titre gratuit,
mais encore sous menace explicite de sanction. De quel droit, en vertu
de quel principe philosophique, l’Etat estime-t-il, unilatéralement,
que ce que vous avez payé, au tarif qu’il a déterminé
tout seul, est nul et non avenu, parce que, par défaillance temporaire
de mémoire, vous n’avez pas parachevé son acte incomplet
par tel ou tel rituel de son cru et que, consécutivement, vous
êtes condamnable.
On débute dans ce domaine. Dans quelque temps on ne pourra exister
légalement que si l’on achève tous les inachevés
d’autrui.
A propos, j’ai oublié de me faire doubler mes appointements par
« La Grande Relève ». Petit malheur, zéro
multiplié par deux, ça fait toujours zéro, depuis
les origines. Les maths, c’est sérieux.