Pourquoi la gauche ne nous suit pas

Réponses aux objections
par  R. THUILLIER
Publication : novembre 1978
Mise en ligne : 8 septembre 2008

ON nous dit souvent : même s’ils admettent la justesse et la simplicité de nos raisonnements, bien peu de vos interlocuteurs acceptent de diffuser les principes d’une Economie Distributive et, a fortiori, de militer pour les propager.
A quoi attribuez-vous cette différence ?

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Pour remplacer le régime capitaliste, qui n’est pas adapté aux productions de masse, on sait que nous proposons un modèle de socialisme véritable : celui du nouvel âge de l’humanité qui découle de la Révolution mécanicienne.
A notre avis, c’est surtout parce que la Gauche nous ignore délibérément que nos thèses ont du mal à s’imposer. Si la gauche avait compris l’importance de la grande relève du travail humain par celui des techniques modernes, elle ne pourrait qu’adopter nos conclusions, faute de trahir son rôle économique et social d’avant-garde.
Non seulement leurs théoriciens mais les mouvements qui se réclament du progrès social devraient se rendre compte que ce sont les structures mêmes du capitalisme qui s’opposent à la juste répartition des fruits des techniques pouvant créer une abondance de biens et de services.
Mais tous les efforts de la gauche ne visent qu’à apporter des palliatifs aux conséquences néfastes du régime capitaliste et de sa fameuse « crise » qui, à notre avis, ne fait que commencer et n’ira qu’en s’aggravant.
Depuis Proudhon et Marx, les syndicats, les partis et tous les mouvements qui se disent de gauche, luttaient énergiquement pour établir un régime vraiment socialiste. Ils condamnaient l’économie marchande de l’échange tarifé, basée sur le profit. Certes ils le font encore et ils proposent toujours le socialisme mais seulement comme but lointain. Ils n’envisagent absolument plus de l’édifier en faisant, dès à présent, table rase des structures capitalistes. Ils se sont ralliés à des réformismes qui ne font pas peur surtout à des électeurs qu’ils n’ont pas informés des possibilités, et de la nécessité, de changer réellement l’économie et ceci dans l’immédiat.
Ils craignent de « sauter le pas », même théoriquement  !
Cependant, avec quelle vigueur partis et syndicats nous incitaient, il n’y a pas si longtemps, à faire des révolutions politiques  ! Or ils le faisaient lorsque l’économie mondiale était encore basée sur la rareté.
Si le socialisme, c’est-à-dire l’appropriation collective des moyens de production et de distribution, avait été instaurée avant... disons la première guerre mondiale (par la révolution ou autrement), il n’aurait cependant pu, à ce stade de l’économie, faire autre chose que répartir un peu plus justement la pénurie. Nous avons vu cela en Russie...
Depuis, nous sommes entrés dans l’ère de l’abondance. Elle s’est ouverte, et Jacques Duboin l’a bien compris, lorsque les machines ont pu fabriquer en masse des marchandises et offrir des services nouveaux adaptés aux loisirs.
La Gauche en est restée au stade de la rareté. Elle n’a pas encore admis l’importance capitale de la Révolution mécanicienne et de ses conséquences inéluctables.
En fait, la Gauche ayant voulu instaurer le socialisme alors qu’il n’était pas encore réalisable, ne le propose plus, sinon verbalement, alors qu’il constitue la seule solution à la « crise » structurelle du capitalisme.
Pourtant, le peuple français, ou du moins sa moitié électorale, fait encore confiance à la Gauche pour instaurer le socialisme. Mais il estime que, puisque ses appareils dirigeants ne nous suivent pas, notre Mouvement, pour l’adoption d’une Economie Distributive se confond simplement avec les buts lointains du Socialisme et, même, du Communisme.
C’est parce que nous allons au bout des conséquences de nos thèses que l’on préfère nous ignorer.
Mais les faits, tous les jours, nous donnent raison.
Et ce n’est pas parce que nous ne sommes pas encore parvenus à convaincre la Gauche de sa mission véritable, que nous devons désespérer d’y parvenir un jour que nous espérons proche.