L’emploi aux États-Unis

Étranger
par  P. SIMON
Publication : mai 1978
Mise en ligne : 2 septembre 2008

UN article paru en novembre 1977 du SCIENTIFIC AMERICAN, sous la plume d’Eli Ginzberg, traite du problème de l’emploi dans l’économie américaine ou la composition de la population active a considérablement changé avec l’arrivée d’un plus grand nombre de femmes et de jeunes sur le marché du travail et l’incapacité où se trouve l’économie de la nation à créer suffisamment d’emplois qui soient « bons », c’est-à-dire des emplois sûrs mais surtout bien rémunérés.
Désireux d’effectuer une relance, le Président vient de décider la création d’emplois publics pour une dépense de 10 milliards de dollars. Cette mesure est une véritable petite révolution tant elle contraste avec l’attitude de précédents présidents, dont M. Nixon, qui refusait de ressusciter les «  balayeurs de feuilles mortes » des années 30.
Pour mieux comprendre cette orientation nouvelle, Eli Ginzberg étudie l’évolution du marché du travail aux Etats-Unis entre 1950 et 1976. Il constate que, au cours de cette période, le pourcentage d’emplois civils s’est élevé aussi vite que la population en âge de travailler mais que le taux de chômage a plus que doublé. A présent, on manque cruellement d’emplois et surtout de « bons » emplois, principalement dans le secteur privé où seulement 3 emplois sur 10 nouvellement créés répondent aux critères du « bon » emploi alors que dans le secteur public la proportion est de deux tiers.
Entre 1950 et 1976, la population active est passée de 62 à 95 millions d’individus, soit une augmentation de 33 millions dont 13 millions d’hommes et 20 millions de femmes (environ une femme sur deux travaille maintenant contre une sur trois en 1950). Dans la même période, le nombre des jeunes de 16 à 24 ans dans la population active est passé de 11,5 millions à 23 millions, soit une augmentation de 100 %. Une des conséquences de cette évolution est l’accroissement du nombre des demandeurs d’emplois à temps partiel qui sont 3 fois plus nombreux que les demandeurs d’emploi à temps plein. Une autre est la redéfinition du « taux de chômage acceptable » qui est passé de 4 à 5 °fo pour tenir compte de l’entrée massive des femmes et des jeunes sur le marché du travail. Selon que l’on adopte un chiffre ou l’autre on trouve quand même, sur 27 années, 7 ou 14 années pendant lesquelles le taux réel de chômage a dépassé ce seuil, malgré l’effort indéniable de l’économie pour absorber ces nouveaux venus.
Tout en s’essoufflant à cette tâche, le secteur privé a créé deux fois plus de « mauvais » emplois que de « bons ». Les écarts sont importants. En 1976, un « bon » emploi rapportait 176 dollars par semaine, un « mauvais » 114 seulement. Cette dernière catégorie se rencontre dans le secteur des services et surtout de la vente au détail. Voilà qui n’est guère rassurant. Par contre, les emplois publics, et singulièrement ceux qu’offre le gouvernement fédéral, sont dans l’ensemble « bons ».
Les perspectives d’avenir sont que le nombre des jeunes arrivant sur le marché du travail va nettement diminuer d’ici 1990 et que le nombre des femmes actives va croître en même temps que leurs ambitions car elles recherchent de plus en plus de « bons  » emplois.
L administration Carter s’est lancée dans la création d’emplois pour plusieurs raisons. D’abord, elle compte ainsi accroître les revenus de consommateurs modestes (pour leur faire plaisir ?) ensuite, elle veut réduire le nombre d’allocataires secourus (mais l’argent versé en salaires ou en allocations ne vient-il pas de la même source ?). Elle veut également résorber un chômage qui atteint à présent 7,3 millions d’individus en donnant un emploi à 3 millions d’entre eux d’ici 1981, date à laquelle elle pense avoir « rééquilibré » le marché du travail. Mais elle ne pourra pas grand chose (et le secteur privé encore moins !) pour les 17 millions d’Américains et d’Américaines qui ne font pas encore partie de la population active mais le voudraient bien. Décidément, l’abondance est partout.
Le problème de l’emploi ne sera pas facile à résoudre aux Etats-Unis et, conclut Eli Ginzberg, les secteurs public et privé s’y emploieront sans succès. Il recommande donc l’innovation sans dire exactement quoi. Ici, à « la Grande Relève  », nous avons des propositions à faire.