Accouchement difficile

En relisant J. Duboin
par  P. BUGUET
Publication : mars 1978
Mise en ligne : 28 août 2008

APRES les grands battages complaisamment televises pour conditionner l’opinion publique, commencent les intarissables commentaires sur le rite electoral, pour achever de désorienter l’électeur.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour imaginer que ces préoccupations sélectionnées, enfoncées dans la cervelle du Français moyen, porteront leur fruit : la prolongation du statu-quo économico- social.

POUR COMBIEN DE TEMPS ENCORE ?

NOUS ne lisons toujours pas dans le marc de café, mais nous pouvons dire qu’à la vitesse du développement du chômage et de la dévaluation ,le blocage dés échangés ne tardera plus longtemps à nous contraindre à un nouveau mode de répartition des biens.

CONSTAT DE FAIT

JACQUES Duboin écrivait, il y a 40 années C’est la production sous toutes ses formes (y compris les entreprises de transport, de vente, etc.) qui solvabilise les besoins des consommateurs, dans la mesure où ils participent.
Vouloir l’ignorer dans le bouleversant assaut des techniques de production auquel nous assistons c’est de l’inconscience ou du calcul intéressé. Eluder les adaptations comptables qui découlent de l’irréversible déclin du mode de solvabilisation de la consommation, ce n’est plus seulement de la suffisance inconsciente, c’est le mépris volontaire de l’intérêt collectif.

INCONSCIENCE DES HOMMES POLITIQUES

NOS hommes politiques de tous horizons sont unanimes à partager cette inconscience. Admettons-le des partis conservateurs, accrochés à la survie de leurs privilèges ; mais des partis dits de gauche, se prétendant progressistes !... Quelle notion se font-ils donc encore du socialisme qui s’impose de nos jours  ? Alors que notre équipement productif de plus eh plus automatisé nous inonde de biens sans contre-partie, nos « socialistes » prônent l’échange, propre à l’économie de rareté.
- les uns persévèrent dans le réformisme, cherchant à corriger les défauts du régime capitaliste, tout en conservant sa structure échangiste et son mode de répartition des biens : « à chacun selon ses oeuvres ».
- les autres louchent vers le socialisme d’Etat, mitigé de réformisme, qui conserve également la répartition échangiste, mais sous direction étatique et où la formule de répartition dés biens devient : « à chacun selon sa fonction  ». C’est blanc bonnet et bonnet...
Par la vertu des options politiques, l’échange de l’âge de la faux subsiste, alors qu’il est irrémédiablement condamné par les techniques nouvelles de production.

UNE DEFINITION DU SOCIALISME DE NOS JOURS

Citons la claire conception du Socialisme que Jacques Duboin précisa dans « DEMAIN OU LE SOCIALISME DE L’ABONDANCE  » (1)
« Dans un pays où la production peut croître en meure temps que le chômage, le socialisme ne consiste ni dans un changement de personne (toute chose restant en l’état), ni dans la confiscation de l’argent des riches, ni dans l’agitation des masses populaires, ni dans la simple conquête du pouvoir, ni dans l’amélioration du sort des déshérités dans le cadre de la société actuelle, ni de la participation de la classe ouvrière aux bénéfices de la classe dirigeante, ni même dans le partage des terres, qui est une ineptie de première grandeur dans les pays où il n’y a plus de travail pour tout le monde, ni dans le changement des gérants de l’appareil de production, etc...
« Le socialisme est une organisation nouvelle et permanente, dont l’essence est de remplacer par une seule entreprise nationale la totalité des entreprises privées ; c’est donc l’exploitation collective des moyens de production avec droit individuel et égal aux produits.
« En d’autres termes : le SOCIALISME est l’égalité des conditions économiques de tous les membres de la société  : Revenu égal à âge égal. Le socialisme ne peut se réaliser que dans une société sans classe, ce qui implique que les échanges n’existent plus et que production et distribution sont devenues fonctions sociales.
« Il ne s’agit pas simplement d’une révolution politique consistant uniquement dans quelque changement dans la constitution, ou d’une diminution ou une extension des libertés publiques, ou dans des mutations dans le personnel dirigeant : il s’agit d’une révolution sociale, c’est-àdire du remplacement des lois et des règlements sur lesquels reposent la vie civile et la manière de vivre de chacun, par d’autres lois transformant tous les rapports sociaux. (2)
« A la vérité, toute doctrine économique doit s’adapter au mode de production des richesses et évoluer avec le progrès des techniques.
« Dans une société où l’abondance est possible, le socialisme ne peut plus être celui qui convient à un pays où la disette est obligatoirement le lot d’une importante fraction de la population. Ce qui revient à dire que partout où l’échange demeure le véhicule de la distribution, le socialisme doit être, lui aussi, basé sur l’échange  ; mais là où l’abondance peut régner grâce à un haut degré d’équipement économique, où les échanges sont donc devenus rares et difficiles, un socialisme nouveau est devenu nécessaire, et, par la force des choses, ne peut plus être construit sur l’échange. Nous l’appelons le SOCIALISME DE L’ABONDANCE pour l’opposer à celui de la rareté. Et si j’insiste sur cette distinction, c’est que le premier s’impose comme le seul régime économique désormais possible dans un pays ayant atteint le stade de l’abondance, tandis que le second ne se propose que d’apporter plus de justice dans le fonctionnement des échanges ». (3)
De nos jours, en l’an 1978, 34 années après sa parution, (1) l’évolution des faits s’est poursuivie ; leur pression est si forte que l’échangisme se meurt et fait anarchiquement place aux revenus sociaux (revenus sans contre-partie de travail humain) des centaines maintenant sont répartis à la collectivité sous des dénominations variées.
Sous le couvert de la compétition électorale, la complaisante et large orchestration des problèmes tronqués, par la presse, la radio et la télévision, est devenue indispensable pour gagner du temps et masquer la nécessité de codifier un mode de répartition distributif.
N’est-ce pas significatif ?

(1) Les citations sont extraites de : « Demain ou le Socialisme de l’Abondance ». Editions O.C.I.A. 1944 (2e édition).
(2) Pages 143 et 144.
(3) Page 145.