Collectivisme forcé
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Publication : octobre 2000
Mise en ligne : 16 juin 2008
Ah que l’économie libérale est belle ! Il faut, dit-on, laisser faire le marché pour fixer les prix, car c’est la meilleure façon imaginable pour qu’ils s’ajustent au mieux des intérêts de tous. La loi de l’offre et de la demande est réputée bien supérieure à tout débat organisé entre les acteurs économiques, producteurs et consommateurs, puisqu’elle tient automatiquement compte de leurs points de vue. Sans même qu’ils aient à les exprimer !
Comment peut-on encore tenir un tel discours et prétendre qu’en chercher une alternative est une… utopie irréaliste [1], quand on constate la pagaille que suscite l’actuelle montée du prix du pétrole à la pompe ?
Le chacun-pour-soi est ingérable. Cette façon d’utiliser la force, de menacer de tout bloquer pour imposer son point de vue, est indéfendable. D’ailleurs, comment les routiers peuvent-ils soutenir que le prix auquel ils prétendent vendre leurs services doit être élevé parce qu’il est le reflet de leur seul mérite, et, en même temps, exiger que le prix de ce qu’ils doivent acheter ne soit pas libre ? Voire même pris en charge par la collectivité ?
Et pendant ces démonstrations violentes, les compagnies pétrolières continuaient à engranger d’énormes bénéfices. TotalFinaElf, par exemple, annonçait sans état d’âme une augmentation de 213% au premier semestre ! Les analystes économiques se posaient simplement la question de savoir si c’est bien la baisse du Nasdaq [2] qui a incité des fonds de pension à délaisser les entreprises de la nouvelle économie pour investir dans les pétrolières… Peut-on continuer à gérer ainsi les ressources de notre planète ?
Il en serait tout autrement si cette gestion était concertée démocratiquement selon les principes que nous défendons sous le terme d’économie distributive. Le point de vue des routiers serait pris en compte, mais sans que le prix de l’énergie ait une influence sur leurs revenus. Leur intérêt ne serait donc plus de rouler dans n’importe quelles conditions et pour transporter le plus possible. On pourrait alors débattre sur ce qu’il y a lieu de transporter et prendre en compte tous les aspects des divers modes de transport. D’autres méthodes d’exploitation pourraient donc être développées sans que personne n’en soit lésé.
Et puis certaines questions pourraient être abordées sans drame, par exemple, celle de la propriété des ressources de la nature et celle du patrimoine des connaissances… Irréaliste un tel projet ? Non, puisque tous les moyens matériels nécessaires existent. Mais il y a des J-F Revel pour faire peur, en caricaturant. Le dossier sur l’utopie, élaboré par Jean Auribault et présenté ci-après, remet sur ce sujet les pendules à l’heure et les mots à leur place.
[1] réflexion qu’on entend , parfois, quand on aborde l’idée du contrat civique !
[2] la Bourse où sont cotées les entreprises de la e-économie, celle de l’informatique et de la communication.