Sur une tentative
par
Publication : août 1980
Mise en ligne : 25 avril 2008
La disparition subite de notre ami Jean Carlesse peut nous amener à
compléter nos réflexions sur la fameuse question des mesures
transitoires nécessaires, ou non, pour l’instauration d’une économie
distributive.
Notre regretté camarade pensait que le silence fait sur l’oeuvre
de Jacques Duboin - qu’il avait bien connu - et sur toute notre propagande,
était dû à la rigidité de notre action. Certes
Carlesse était tout à fait d’accord sur nos thèses.
Il était convaincu que seule, une économie distributive
pourrait remplacer le capitalisme à l’agonie.
Cependant il estimait que l’application intégrale de nos propositions
restait une finalité à atteindre mais seulement lorsqu’une
large majorité de nos contemporains se serait dégagée
de leurs mentalités dominées par l’esprit du gain.
Il avait donc imaginé, depuis longtemps, un système économique
transitoire original.
En maintenant le profit, il corsetait cependant l’économie marchande
par une cascade compliquée de traites et d’effets escomptés
par l’Etat qui, ainsi, « monétiserait l’Abondance ».
Cela permettrait de distribuer un Revenu Social substantiel non seulement
aux retraités, mais à la jeunesse avec, pour celle-ci,
un Service Social obligatoire.
Depuis de nombreuses années notre petit groupe des Alpes-Maritimes
avait eu avec Carlesse de longs entretiens à ce sujet.
Beaucoup d’entre nous, certes, étions partisans de mesures transitoires,
tel un Revenu d’Emulation pour les actifs. Mais nous ne pouvions admettre
le maintien de l’économie marchande même assorti d’un Revenu
Social.
Cependant notre camarade restait intraitable.
C’est alors que survinrent les lamentables événements
qui, consécutifs au décès de Jacques Duboin, déchirèrent
le M.F.A. Puis ce fut la dissolution des « Groupes pour une Economie
Distributive » qu’animait Maurice Laudrain et la disparition de
« Pense et Lutte » mensuel.
Alors Carlesse décida, avec quelques amis, de fonder le «
Mouvement Distributif Français » à vocation de parti
politique. Il eut bientôt son organe mensuel « Nouvelle
Ere » et il réussit à rassembler un certain nombre
d’adhérents - dont je n’étais pas - et de sympathisants.
Pour notre part, notre petit groupe niçois ne voulait pas contrecarrer
l’action publique du M.D.F. Mais lors des contacts nombreux que nous
conservions avec notre camarade nous avons continué à
le mettre en garde contre cette conception d’une Economie Distributive.
Dans le n° 13 de « Nouvelle Ere », Carlesse décida
de nous répondre publiquement en précisant sa position.
Parti politique le M.D.F. ne voulait pas se « contenter de formuler
des voeux pieux et d’attendre que tout le monde ait compris. «
L’idée de profit, écrivait-il, est tellement ancrée
dans l’esprit des hommes d’aujourd’hui que sa suppression est non seulement
targuée d’utopie mais aussi génératrice de retour
à la pénurie. Il en est de même du remplacement
de l’économie de marché qui fait penser à une collectivisation.
La majorité de nos compatriotes la regrette même quand
ils se qualifient de gauche ou de socialistes ». « Si le
M.D.F. parvient - continuait cet éditorial - à faire admettre
par le corps électoral son plan-étape, proposant une semi-économie
distributive, cela serait déjà un grand pas !! ».
Par ailleurs Carlesse concluait en invitant, d’une manière ambiguë,
« ceux qui préfèrent philosopher, à diffuser
« La Grande Relève » qui débourre les crânes
de ceux qui veulent bien s’y prêter ».
Je me proposais d’opposer à ces arguments ceux que Marcel Dieudonné
a formulé dans son récent ouvrage « Que faire ?
». Dans le droit fil des thèses de Jacques Duboin, il analyse
précisément la « mentalité du gain ».
Evidemment, il propose d’autres solutions que celle d’une propagande,
même transitoire, pour une pseudo semi-distribution restant fondée
sur le profit.
J’étais aux Etats-Unis lorsque Carlesse est décédé
et je n’ai appris sa mort qu’à mon retour.
Que deviendra le M.D.F. et « Nouvelle Ere » ? Il est encore
trop tôt pour y répondre. Cependant je pense, avec notre
petit groupe des Alpes-Maritimes. que l’on devrait garder le souvenir
de Jean Carlesse. Il avait tout de même essayé - à
sa manière - de lutter pour que les thèses de Jacques
Duboin soient appliquées un jour. Cela lui apparaissait, quant
à lui, trop lointain.
Réfléchissons tous ensemble sur ce qu’il conviendra de
faire pour - la conjoncture économique aidant - rendre plus proche
l’avènement d’une véritable Economie Distributive.