Sur l’inflation


par  J. MESTRALLET
Publication : août 1980
Mise en ligne : 25 avril 2008

IL convient de balayer quelques idées fausses au sujet de l’inflation.
« Inflation ! ». A ce mot, tout le monde se sauve, y compris les révolutionnaires professionnels. Aussi est-il devenu l’épouvantail idéal chaque fois que l’on réclame une augmentation des dépenses sociales.
Avant d’employer ce mot à tort et à travers, il faudrait le définir. Que de discussions interminables parce que chacun donne à un même terme un sens différent. Aujourd’hui, on emploie constamment le mot « inflation » pour «  hausse des prix », alors qu’il signifie, à l’origine, tout autre chose dépassement de l’offre par la demande.
C’est bien là un facteur de hausse, mais non le seul, en régime des échanges. On peut en trouver bien d’autres : hausse des salaires, des impôts, de l’énergie, des matières premières, des transports, du crédit...
Tout cela entre obligatoirement dans le prix de revient, mais cela n’a rien à voir avec l’inflation.
Parmi ces hausses, celle qui nous concerne directement est la hausse des salaires. C’est contre elle que l’on invoque habituellement le risque d’inflation.
En réalité, il est bien difficile de savoir dans quelle mesure la hausse des salaires fait monter les prix en accroissant la demande et dans quelle mesure elle les gonfle par augmentation du prix de revient. Dans ce dernier cas, la hausse ne traduit pas une insuffisance de production, mais une mauvaise organisation économique : les produits existent, mais ne trouvent pas d’acheteurs, faute d’argent.
L’argent manque parce qu’on reprend d’une main ce qu’on donne de l’autre. Cela n’entame en rien la réalité de l’abondance.
Au contraire, la hausse des prix par excès de la demande est plus dangereuse, car elle signifie !’apparition d’une rareté plus ou moins grande. Cette rareté, il est vrai, suit fréquemment une période d’abondance qui a découragé les producteurs par mévente !
Pour savoir s’il y a vraiment risque d’inflation il faut... courir ce risque en créant le pouvoir d’achat nécessaire. Cela n’empêche pas la prudence : on peut débloquer l’argent chaque mois (pensions et petits salaires), quitte à s’arrêter momentanément en cas de danger. Nous sommes tranquilles : pour les biens de grande consommation, la rupture n’apparaîtra pas de sitôt. Et quand il s’agit de tuer, on fait moins de grimaces, hein ?...
Comme nous l’avons déjà souligné, la création monétaire permet le blocage des prix, un blocage réel, puisque personne rie peut invoquer une surcharge des prix de revient.
Ce procédé offre encore l’avantage de savoir quels secteurs il faut développer, dans quelle direction on doit poursuivre la Croissance, laquelle ne se justifie qu’en faveur des pauvres et des revenus modestes.
Cette croissance polluera beaucoup moins que l’Expansion pour enrichir les riches.
Les consommateurs aisés peuvent admettre un simple maintien de leur revenu, si ce maintien est réel. Ils ne doivent pas oublier que, dans la période transitoire, c’est l’augmentation des bas revenus qui garantira le leur propre en garantissant leur emploi. Même dans les conditions actuelles, d’ailleurs, puisque l’on est bien obligé de faire des emprunts à l’Economie Distributive.
Qui finance les « Pactes nationaux pour l’emploi », sinon l’Etat ? Evidemment, il voudra rattraper cela dans une certaine mesure, et cela se répercutera sur le cycle « impôts-prix de revient-prix de vente », mais incomplètement, car on attend toujours la disparition du déficit budgétaire.
Plus il sera grand et mieux cela vaudra, dans la mesure où il ne finance pas les engins de mort. Peut-être verrons-nous la fin de ce scandale lorsqu’on aura pris l’habitude de ne plus craindre l’inflation pour les dépenses sociales. Et lorsque notre Etat perdra son avarice la plus honteuse de la planète en matière sociale, compte tenu de la richesse de notre pays.
On n’aura plus à chercher alors la justification de l’«  ennemi héréditaire » pour dépenser. On mesure une fois de plus combien les notions économiques sur lesquelles nous vivons sont devenues fausses !
Il faut rappeler à nos économistes un point élémentaire de méthode : pour s’y reconnaître dans les variations de plusieurs facteurs, il faut en faire varier un seul à la fois. Dans les cas énumérés plus haut, l’Etat à partir du moment où il consent un sérieux effort social, peut fort bien contraindre les banques à stabiliser le taux des prêts. Il lui appartient aussi de ne pas augmenter les impôts, les tarifs des Postes, de la S.N.C.F., de l’E.D.F. G.D.F. ; etc... Restent l’énergie et les matières premières importées. Or, chacun sait que les « Arabes » responsables des hausses ne se trouvent pas tant au Moyen-Orient que chez nous : qui décide des taxes sur les produits pétroliers ? Taxes à l’origine des hausses pour une bien plus large part (1).

(1) Ce que révèle une récente étude de l’INSEE sur les prix.