Méfaits divers
par
Publication : septembre 1977
Mise en ligne : 18 avril 2008
POUR avoir « chapardé » un morceau
de viande, dans une grande surface, une mère de famille rut priée
de s’expliquer devant la justice... Elle préféra se suicider.
Ce cas extrême mérite réfle-xion, car, au delà
du fait divers, c’est un drame de la misère dont il s’agit ;
simple et platonique oraison funèbre ; vite étouffée
par le tintamarre de la foire d’empoigne de notre belle société
de consommation.
L’indifférence, l’égoïsme, la vanité n’ont
que faire de ces laissés pour compte, genre déchets, dénommés
pudiquement « économiquement faibles ». Ils ne savent
pas se débrouiller n’est-il pas vrai ? Et l’obole du pharisien
hypocrite glissée furtivement dans la sébile dés
quêteurs de la faim, ne donne-t-elle pas bonne conscience ? Sans
effort d’analyse des causes de cette « lèpre » des
sociétés modernes, n’apporte-t-elle pas l’apaisement à
l’homme de bien ? Tout en conservant (même inconsciemment) un
certain esprit de domination ?
Manquer du nécessaire en 1977, alors que les magasins regorgent
de marchandises, comment cela est-il possible à l’ère
que nous vivons, c’està-dire en pleine abondance ? (abondance
de biens vitaux et utiles). Alors que les mass-media déploient
journellement leur tapageuse publicité.
Est-il besoin de rappeler que « Rome » nourrissait ses esclaves,
même les jours de repos... Est-il besoin de rappeler que des stocks
énormes de produits de première nécessité
sont dénaturés, détruits ou exportés à
dés prix inférieurs au prix pratiqué dans les pays
d’origine ; la différence étant payée par le contribuable.
Assainir les marchés, afin de sauvegarder le profit, telle est
la nécessité d’un système économique, qui
ne conçoit l’homme qu’au travers de son portefeuille, c’est-à-dire
en fonction de sa capacité solvable.
Quel qualificatif convient-il de donner à ces destructions massives
et volontaires de production ?
Sinon : malthusianisme économique, avec foutes les suites qui
en découlent. En temps qu’êtres organiques, physiologiquement,
ne sommes-nous pas identiques ? L’estomac d’un nanti est-il fabriqué
différemment de celui d’un pauvre ? A ce niveau n’ont-ils pas
les mêmes besoins ? Le véritable socialisme ne passe-t-il
pas tout d’abord par l’égalité économique ? Cette
égalité représentée par une monnaie de consommation,
celle-là même qui manque aujourd’hui aux économiquement
faibles. Ceux qui parlent tant de justice sociale, avec application
toujours repoussée, feraient oeuvre utile en potassant la question.
Les traités de Jacques Duboin les y aideraient grandement. Faute
de quoi d’autres drames similaires viendront s’ajouter à la liste
; ces drames de la misère dans l’abondance !