Le piège irakien


par  H. MULLER
Publication : octobre 1990
Mise en ligne : 7 avril 2008

N’allons pas prétendre qu’à la C.I.A. on ignorait les préparatifs d’invasion du Koweit ! Les livraisons d’armes à l’Irak, poursuivies et accentuées depuis la fin du conflit avec l’Iran, visaient à fairer bouillir la marmite . Les guerres sont, de tradition, un important débouché pour les sociétés pétrolières, industrielles et minières, leurs meilleures occasions de profits, assez pour qu’il soit permis d’échafauder un scenario jusque là tenu sous le boisseau.
L’affaire du Koweit aurait été ainsi préparée de longue date, mijotée par la C.I.A. II fallait, tout d’abord, neutraliser l’Union Soviétique dans son rôle de gendarme de la paix mondiale (*), un gendarme qui tenait en respect les faucons va-ten-guerre du Pentagone brûlant d’en découdre. Nombre de conflits n’ont-ils pas été écartés par la menace de représailles à l’encontre d’une agression américaine d’envergure ?
A cet effet, une stratégie, élaborée au sein de la Commision trilatérale, a mis en branle un ensemble de minorités contestataires pour aboutir à cette "pérestroïka", prélude à une déstabilisation du bloc des pays de l’Est, à l’éclatement du pacte de Varsovie, à la conquête des immenses richesses potentielles de l’Union Soviétique par les affairistes occidentaux pressés de les exploiter, ainsi que la main d’oeuvre, dans le cadre d’une économie de marché.
Endetté jusqu’au cou par les fabricants et marchands d’armes, l’Irak aux abois, n’avait plus qu’à faire main basse sur les richesses de son minuscule voisin, au terme d’une simple promenade militaire, donnant ainsi aux Etats-Unis, patrie des pétroliers, un bon prétexte à déplacer leur armada en arguant des intentions prêtées à l’agresseur d’étendre son action à l’Arabie Saoudite. Se sont mis ainsi en place les ingrédients propres à déclencher un conflit, après que l’URSS ait baissé sa garde, laissant le champ libre aux forces américaines arrivées à pied d’oeuvre et volant au secours des intérêts pétroliers.
Les Compagnies recueillent déjà les premiers fruits de l’opération : une hausse sensible de leurs produits. II y a mieux  : le gel, puis le dégel des avoirs koweitiens devrait permettre aux banques occidentales de se rembourser d’un trait de plume des dettes accumulées par l’Irak.
Cependant, les sociétés pétrolières n’entendent pas se laisser confisquer par l’Irak, les profits que leur procurait l’exploitation des puits du Koweit. A défaut d’obtenir les assurances nécessaires, elles n’hésiteront pas à faire recours aux forces américaines concentrées à proximité.
Acculé par le blocus et l’embargo, comme l’avait été le Japon en 1941, l’Irak, surarmé, peut se voir contraint, face aux forces d’intervention massées à ses frontières et dans le golfe, de jouer son va-tout en tirant dans le tas de tous ses missiles, Exocet compris.

Les Bourses s’effondrent ? La guerre les fera remonter en flèche. Le capitalisme a besoin des guerres pour soutenir les débouchés, résorber les excédents industriels et miniers, recréer la rareté bénéfique aux spéculateurs, développer les profits, relancer l’emploi et faire remonter le prix du pétrole.

Résumons : au départ, un lourd endettement de l’Irak et la tentation de s’en acquitter en s’emparant des avoirs, de l’or et des richesses du voisin. Omniprésente, la C.I.A. au service des intérêts étroitement imbriqués des sociétés pétrolières, des banques et de l’Etat américain, à la recherche d’un casus belli devenu plausible depuis la neutralisation de représailles soviétiques et l’éclatement de l’unité arabe.
Que l’annexion du Koweit remette en cause des frontières tracées à l’ère coloniale ? N’est-ce pas aux populations d’en décider ? L’affaire IrakKoweit devra sans doute trouver son issue dans un référendum, même si ce processus devait se voir invoqué, par la suite, par d’autres nations dites indépendantes, un processus moins coûteux, moins désastreux qu’une guerre.
D’autres ont déjà noté que les sanctions adoptées à l’encontre de l’Irak auraient dû s’exercer pareillement lors de l’intervention américaine à La Grenade, au Panama, à Cuba, au Nicaragua. A-t-on oublié le Viet-Nam, la Corée, le Mexique, l’équipée sur la Libye, le soutien actif des Etats-Unis à tant et tant de dictatures dans le monde ?
U.S.A. Go home ! Les graffitis refleurissent sur les murs. Qu’ils restent chez eux. Nul ne menace leur territoirre. Balançons-leur tous leurs maudits dollars répandus dans le monde à tout-va et qu’ils en crèvent ! Une monnaie de consommation fera tout aussi bien l’affaire pour payer le travail, assurer les approvisionnements et les distribuer aux consommateurs.

(*) NDLR. Par souci d’objectivité d’après l’agence soviétique Novosti elle-même, l’Irak a acheté à l’étranger, de 1980 à 1989, pour 25 milliards de dollars d’armesdont 53 % à l’Union Soviétique et 20  % à la Franc.
Affirmant que l’URSS a arrêté ses livraisons début août quand l’Irak a fait irruption au Koweit, cette agence conclut cependant : "il faut élaborer sous l’égide de l’ONU un projet de convention internationale limitant la vente des armes et les interdire à l’avenir".