A l’assaut du ciel !


par  R. GRATTER DE SAINT-LOUIS
Publication : octobre 1990
Mise en ligne : 7 avril 2008

Quoi que l’on en dise, le Socialisme est bel et bien en crise. Mais il est cependant nécessaire de s’attarder sur la nature exacte de celle-ci. Les thuriféraires du Grand Capital s’empressent de donner l’extrême onction à un socialisme qu’ils croient déjà moribond. En fait, le Socialisme semble traverser une crise d’adolescence similaire à celle que vécut le Capitalisme lors de la grande dépression de 1929. Comme la Commune sonna le glas du "Socialisme utopique" et annonça l’émergence du "Socialisme scientifique", les années 1990 enterrent le "Socialisme dictatorial" pour engendrer un "Socialisme à visage humain". De cette crise jaillira un Socialisme original, expurgé de tout sectarisme, qui pourra de nouveau rimer avec les mots Espoir, Paix et Liberté...
Quelles que soient les prédications des oiseaux de malheur du Grand Capital, les idéaux socialistes sont plus que jamais d’actualité : l’homme est toujours exploité de façon honteuse, les profits croissent tandis que les salaires stagnent, les grandes richesses de ce monde sont accaparées par une infime partie de privilégiés... Ce règne de "la misère dans l’abondance" (1) est devenu inacceptable ! C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de raviver la flamme de la révolte qui brûle en chaque homme. Comme l’écrit Eduardo Galeano dans "Barricadas" (2) : "Maintenant, il faut recommencer. Pas à pas, sans autre bouclier que celui que nous nous sommes fait de nos propres corps. 11 faut découvrir, créer, imaginer. Plus que jamais, il faut rêver. Rêver ensemble des rêves qui se fassent chair"’. Bien que le contexte international ne s’y prête guère, des hommes commencent ou continuent à faire entendre leurs voix, qui résonnent comme une fausse note dans la tragique partition du Capitalisme ! A l’Est, les hommes vont réapprendre à lutter, à s’organiser, à défendre leurs droits face à un capitalisme sauvage et mesquin, qui s’est drapé dans les couleurs de la Liberté...
A l’Ouest, les pensées bougent : de Max Gallo(3) à A. Spire(4), on admet que la solution à nos problèmes ne se trouve pas dans la résignation, mais dans le combat ! II est plus que jamais nécessaire de faire confiance à l’homme, de lui montrer qu’il est une pièce maitresse du gigantesque puzzle qu’est le Capitalisme.
Nous devons nous efforcer de l’extraire de cette caverne, comparable à celle de Platon, dans laquelle les maîtres de notre monde l’ont enfermé. II faut qu’il prenne conscience qu’il est un élément déterminant de l’histoire humaine. Comme l’a écrit J. Jaurès "II ne peut y avoir révolution que là où il y a conscience" (5). Nous devons lutter contre l’immobilisme des masses qui se traduit par l’abstention et le développement du professionnalisme politique. Cette absence de mobilisation est de plus un terrible péril pour la démocratie, dans le sens qu’elle exclut le peuple de la vie politique et favorise l’extension des extrémismes de droite ! "Pour enchaîner un peuple, on commence par l’endormir"(6). II est alors vital de reprendre nos idées, de les simplifier et ainsi de contredire "les Homo Economicus" qui affirment que l’Economie n’est affaire que d’un cercle de professionnels.
C’est pour cette raison qu’il faut faire fi de nos divisions. Celles-ci, qu’elles soient théoriques ou pratiques, profitent d’ailleurs à nos ennemis et nous éloignent de notre but principal : le bonheur et l’émancipation de l’homme. La création d’un grand parti de gauche, dans lequel pourraient s’exprimer différents courants de pensées, semble être la solution la plus appréciable au regard des difficultés qui nous attendent. Le socialisme français est riche : il a donné naissance aux grands théoriciens du socialisme international (Guesde, Lafargue, Jaurès ...). C’est cette richesse qui lui donne sa force et sa vigueur : c’est pour cela qu’il faut éviter tout endoctrinement et sectarisme inutile. C’est cette dérive qu’Engels voulait éviter quand il a écrit : "L’ironie de l’histoire a voulu, comme toujours quand les doctrinaires arrivent au pouvoir, que les uns comme les autres fissent le contraire de ce que leur prescrivait leur doctrine d’école"(7).
Seul un grand parti, fort et contestataire, pourra s’opposer de façon décisive aux ravages d’un capitalisme sauvage ! Le slogan : "Blum contre Lénine". doit être abandonné au profit de l’unité. Les querelles de clochers se sont toujours avérées inutiles et dangereuses. (La défaite des Républicains espagnols est en partie imputable aux conflits internes qui affaiblirent les troupes du Front Populaire). Blum et Lénine ont contribué à l’enrichissement des idéaux socialistes. Mais tous deux ont commis des erreurs : de la nonintervention en Espagne, pour le premier, au communisme de guerre pour le second ! Laissons donc ces querelles d’intellectuels de côté, pour nous occuper de cette chose si importante qu’est le Devenir de l’Homme.
Rappelons-nous ce superbe slogan : El pueblo unido jamas sera vencido... (le peuple uni ne sera jamais vaincu)

(1) "Kou l’Ahuri" de J. Duboin
(2) Journal du Front sandiniste du Nicaragua. Auteur des "Veines ouvertes de l’Amérique latine".
(3) "Manifeste pour une fin de siècle obscure" Editions Odile Jacob.
(4) "Penser les révolutions" Edition Messidor.
(5) In Etudes Socialistes.
(6) Marat in "Les chaînes de l’esclavage".
(7) "Introduction à la guerre civile en France, 1871"de K. Marx.