Au-delà du revenu minimum garanti
par
Publication : octobre 1988
Mise en ligne : 1er avril 2008
1965 : le revenu minimum garanti
La Haye, janvier 1965 : le gouvernement néerlandais
instaure le revenu minimum garanti. Par l’adoption de l’algemene bijstandswet,
la "loi d’assistance générale", les Pays Bas
deviennent l’un des premiers pays d’Europe à doter ses citoyens
- et certaines catégories de résidents non-citoyens -
d’un véritable droit au revenu. Il y a fallu, il est vrai, vingt
années de réflexion, de débats et de luttes. Dès
le lendemain de la guerre, en effet, la Commission Van Rhijn, mise en
place par le gouvernement en exil, emboîtait le pas à Lord
Beveridge pour faire d’un revenu minimum garanti une composante essentielle
du système de sécurité sociale à mettre
en place. Le gouvernement chrétien-libéral de l’époque
ne l’avait pas suivi sur ce point. C’est cependant un autre gouvernement
chrétien-libéral qui l’introduit en 1965. Depuis lors,
ceux et celles dont les revenus propres sont inférieurs au revenu
minimum garanti, malgré leur désir avéré
de travailler pour gagner leur vie, ont le droit d’obtenir la différence
auprès de l’administration sociale de leur localité. Le
niveau du bijstand est régulièrement revu à la
hausse - et remarquablement élevé si on le compare aux
revenus garantis existant à l’époque ou ultérieurement
introduits dans d’autres pays (1).
Ce solide bouclage de la sécurité sociale semblait devoir
pour longtemps constituer un motif de fierté en plus pour une
nation qui pouvait déjà légitimement se targuer
d’être l’une des plus pleinement démocratiques qui soient.
Pourtant, petit à petit, et parmi ceux-là même qui
prennent à coeur les intérêts des plus démunis,
auxquels la bijstandswet est destinée, le doute s’est installé.
Ce doute n’a pas engendré chez eux une aspiration à revenir
en arrière, à démanteler le système de revenu
garanti. Mais il a nourri, par à-coups cumulatifs, une pression
poussant au dépassement de ce système par son "inconditionnalisation"
- plus de contrôle des ressources, plus de restriction aux seuls
demandeurs d’emploi, plus de contrôle de la vie privée
- c’est-à-dire par l’instauration de ce qu’aux Pays-Bas, on appelle
le basisinkomen, l’allocation universelle (2).
1975 : Kuiper le prophète
Le premier à articuler ce doute dans le débat public néerlandais est un spécialiste de médecine sociale. Professeur à l’Université Libre (calviniste) d’Amsterdam, J.P. Kuiper fait en 1975 une conférence dont le texte fut largement diffusé et dont le contenu suscita une controverse passionnée (3). Inspiré par un livre de l’activiste américain d’origine britannique Robert Theobald, mais sur la base d’une argumentation très concrète nourrie par son expérience d’inspecteur du travail, il y défend l’introduction, aux Pays-Bas, d’un revenu inconditionnellement assuré à tous et suffisant pour pouvoir en vivre. L’avantage principal d’une telle mesure est à ses yeux de permettre à tous les travailleurs, et pas seulement à ceux dont le pouvoir de négociation est le plus grand, de refuser les conditions de travail sordides, dégradantes, humiliantes, dont il s’est rendu compte qu’elles sont encore le lot de beaucoup d’entre eux. Mais il y a d’autres avantages. En remplaçant (au moins partiellement) les allocations versées pour cause d’inaptitude au travail, par exemple, pareil revenu libérerait du piège dans lequel elles sont coincées bon nombre de personnes moins valides, en les soustrayant aux contrôles médicaux auxquels elles sont actuellement soumises et surtout en leur permettant de développer des savoir-faire et des activités dont la détection ne risquerait désormais plus d’entraîner le retrait de leur allocation.
Dans un pays profondément marqué par l’éthique du travail et en particulier au sein de la gauche travailliste dont Kuiper est proche, ce plaidoyer fait sensation. Pour désamorcer une part de l’indignation morale qu’il rencontre, Kuiper lui-même propose d’introduire un service civil substantiel obligatoire pour tous, renouant par là avec une longue tradition socialiste utopique (4), mais en insistant, non sans créer quelque confusion, pour que la non-prestation de ce service n’ait pas pour sanction le retrait de l’allocation. Pour la plupart, cela n’a pas suffi. Et ce n’est en tout cas pas au sein du parti travailliste - le PvdA, principal parti des Pays-Bas - que les idées de Kuiper trouvèrent l’écho le plus favorable. Un relais politique beaucoup plus favorable lui fut fourni par deux petites formations jouant un rôle non négligeable à la gauche de PvdA et plus sensibles que celui-ci aux thèmes écologistes et libertaires : les socialistes pacifistes du PSP (issu en 1959 du mouvement pacifiste) et surtout les radicaux du PPR (né en 1972 d’une dissidence du parti catholique). Dès 1976, en effet, le PPR fait de l’allocation universelle une pièce centrale de son programme socio-économique. En février 1976, ses députés soutenus par ceux du PSP, soumettent même au Parlement néerlandais une motion réclamant l’introduction d’un revenu inconditionnellement garanti (c’est-à-dire sans la restriction aux demandeurs d’emploi inhérente au régime du bijstand) - et rejetée à une écrasante majorité par toute la droite et les travaillistes réunis.
Chômage massif et contestation de l’éthique du travail
On pouvait croire alors que l’affaire était
réglée- ou définitivement marginalisée.
Mais il n’en était rien. D’une part, en effet, les mentalités
ont continué à évoluer dans un sens qui contribue
à fragiliser les fondements mêmes du système de
sécurité sociale mis en place après la deuxième
guerre mondiale. C’est par exemple à cette époque que
des chômeurs amstellodamois fondent le "syndicat contre l’ethos
du travail" qui, sur un mode ludique, tourne en dérision
la valorisation du travail dans la société néerlandaise.
C’est également à cette époque qu’Hans Achterhuis,
professeur de philosophie sociale à l’Université d’Amsterdam,
prépare ses deux bestsellers d’inspiration illichienne qui, sous
les titres Le marché du bien-être et du bonheur et Le travail
: étrange remède, mettent à mal, respectivement,
le rôle accordé, dans nos États-Providence, aux
travailleurs sociaux et au travail salarié.
Mais ce qui a plus encore contribué à modifier le climat,
c’est une évolution du chômage franchement préoccupante,
dans ses caractéristiques communes à la majeure partie
de l’Europe occidentale comme dans ses caractéristiques proprement
néerlandaises. De 1975 à 1985, en effet, le taux de chômage
est passé aux Pays-Bas de 7,8 % à 18,1 %, dont la grande
majorité bénéficie soit du bijstand, soit d’une
indemnité de chômage dont le montant s’en écarte
à peine (5). Ce fut assez pour convaincre les composantes les
plus ouvertes des syndicats et du patronat de se demander si une réforme
en profondeur de l’Etat-Providence néerlandais n’était
pas requise pour attaquer le mal à sa racine. Le constat qui
s’impose peu à peu est que d’une économie hautement technologique
comme l’économie néerlandaise, on ne peut désormais
plus attendre qu’elle offre spontanément à chaque individu
adulte désireux de travailler un emploi dont le salaire net excède
significativement ce qui est jugé nécessaire pour mener
une vie décente et est garanti par le bijstand. Qui veut préserver
ce droit au revenu sans pour autant renoncer à jamais à
quelque chose comme un "droit au travail", est alors immanquablement
conduit à songer à une allocation universelle, à
un socle auquel les revenus du travail s’ajouteraient au lieu de s’y
substituer.
Un syndicat, les petites entreprises, le parti travailliste
Le fer de lance de cette réflexion et du débat public qu’elle a nourri fut indiscutablement le syndicat de l’alimentation de la principale fédération syndicale néerlandaise qui, en 1981, relance la discussion par un vigoureux rapport plaidant sans réserve pour l’introduction d’une allocation universelle couplée à une réduction substantielle du temps de travail. D’autres documents de travail, plusieurs brochures à l’intention des militants et du grand public, souvent dans une présentation particulièrement soignée et originale, seront encore publiées dans les années qui suivent. Et le V-Sdingsbond est encore aujourd’hui, notamment par la voix de son éloquente présidente Greetje Lubbi, à la pointe de la campagne pour l’allocation universelle aux Pays-Bas. Son action fut d’emblée soutenue par les radicaux du PPR (dont il est proche), qui firent du reste de l’allocation universelle l’un des thèmes prioritaires de leurs campagnes électorales des années 1980.
Pendant ce temps, dans certains milieux patronaux,
se développe une réflexion convergente. Ainsi, Bart Nooteboom,
actuellement professeur d’économie à l’Université
de Groningen et, jusqu’il y a peu, directeur du Centre d’Études
de l’Association néerlandaise des Petites et Moyennes Entreprises,
est l’un des avocats les plus en vue de l’allocation universelle. Très
différente en cela d’un revenu minimum garanti du type bijstand,
celle-ci fournit un socle sur lequel les petites entreprises peuvent
plus facilement naître et se développer, grâce surtout
à la réduction systématique des risques entrepreneuriaux
qu’elle opère tout en faisant l’économie du patchwork
complexe, frustrant et finalement peu efficace des subsides spécifiques
actuellement accordés aux petites entreprises. Cette réflexion-ci
aussi, eut des retombées au niveau des formations politiques,
puisque les "libéraux démocrates" du petit parti
de centre-gauche Démocratie 66, dont Bart Nooteboom est proche,
se mit lui aussi à élaborer une stratégie pour
l’introduction graduelle d’une allocation universelle.
Parallèlement, le mouvement travailliste lui aussi était
le siège d’une réflexion renouvelée sur le sujet.
Les propositions du Voedingsbond, en effet, avaient suscité des
controverses au sein du mouvement syndical, qui s’étaient soldées
par une attitude aussi nette que négative de la part des deux
grandes confédérations syndicales FNV et CNV. En avril
1983, la question est mise à l’ordre du jour du Congrès
national du parti travailliste (PvdA). A l’issue d’une âpre discussion,
une majorité d’environ 60% rejoint le Bureau du Parti pour rejeter
la prise en considération de l’idée. Mais la minorité
s’organise. En 1985, elle constitue le Werkgroep PvdA voor Basisinkomen
(groupe de travail du Parti Travailliste pour l’allocation universelle),
qui mène une campagne active, publiant notamment quatre numéros
d’un périodique ad hoc, en vue de renverser la majorité
lors du Congrès de février 1986. Malgré l’appui
de personnalités de premier plan, comme l’ancien président
de la Commission européenne Sicco Mansholt ou le prix Nobel d’économie
Jan Tinbergen, c’est un nouvel échec. Au nom d’arguments de principe
(le travail doit rester la condition d’accès au revenu) et pragmatiques
(l’impact sur l’économie sera négatif), une majorité
du même ordre qu’en 1983 se rallie de nouveau à un Bureau
national farouchement opposé à l’idée. Tout en
consacrant chaque année un nombre croissant de pages à
la réfutation des arguments de la partie adverse, l’appareil
du plus grand parti néerlandais, jusqu’ici, tient bon.
1985 : le retour triomphal
Mais c’est sans aucun doute juin 1985 qui constitue,
quant à la prise au sérieux de l’allocation universelle
aux Pays-Bas, la date la plus importante. C’est alors, en effet, que
le Groene Amsterdammer, vieil hebdomadaire amstellodamois et l’un des
principaux organes de l’intelligentzia de gauche néerlandaise
pouvait titrer : "Le retour triomphal de l’allocation universelle"
Pourquoi ? Parce que venait de sortir de presse un rapport très
attendu du "Conseil Scientifique pour la Politique gouvernementale"
(WRR) de La Haye, une institution scientifique indépendante très
prestigieuse aux Pays-Bas, qui a pour fonction d’éclairer la
politique du gouvernement dans les domaines les plus divers en accordant
une importance particulière aux perspectives de long terme.
Des rapports antérieurs du WRR avaient déjà fait
place à une discussion de l’allocation universelle. Ainsi, un
rapport de 1981, centré sur la politique de l’emploi, lui consacre
un examen approfondi pour conclure qu’elle ne constitue pas une proposition
réaliste en raison de l’impact néfaste qu’on peut en attendre
sur l’emploi et la balance extérieure. Un rapport de prospective
publié en 1983, cependant, l’intègre dans un des scénarios
de sortie de crise qu’il juge devoir être pris au sérieux.
Mais c’est le rapport de 1985, préparé depuis plusieurs
années et intégralement consacré au thème
de la sécurité sociale - évaluation du système
actuel et élaboration d’alternatives - qui devait livrer le jugement
final du Conseil en la matière. Présidée par le
professeur Nic Douben, une personnalité sociale-chrétienne
notoire qui enseigne l’économie à l’Université
d’Eindhoven, la Commission ad hoc publia finalement son rapport en juin
1985. Celui-ci présentait, étayé par une analyse
détaillée des lacunes et impasses du système actuel,
les grandes lignes d’un système de sécurité sociale
susceptible de répondre simultanément aux défis
d’une société à haute technologique et aux exigences
de la solidarité. Et la pièce centrale de ce système
n’était rien d’autre qu’une allocation universelle - un revenu
totalement inconditionnel - à un niveau peu élevé
(la moitié de l’actuel revenu minimum garanti pour isolés),
complété par un ensemble fortement simplifié d’allocations
sociales.
Ce fut la stupéfaction. Comment l’institution politico-académique
la plus respectée du pays pouvait-elle reprendre à son
compte pareille élucubration, que beaucoup jusque là croyaient
confinée à une poignée d’excentriques ? Par l’intermédiaire
de son ministre de l’emploi, le gouvernement de centre-droit (chrétienlibéral)
fit rapidement savoir qu’il jugeait le plan du WWR "funeste et
irréalisable". Et la fédération patronale
comme les plus grandes confédérations syndicales lui emboîtèrent
le pas, pour des raisons partiellement communes (pas de revenu sans
travail), partiellement opposées (trop ou trop peu de transferts
sociaux). Les organisations favorables à l’allocation universelle
comme le V-Sdingsbond et le PPR, pour leur part, se sont élevées
contre le niveau très bas auquel le plan de WRR la fixait, comme
aussi contre certaines des mesures de dérégulation que
celui-ci contient, à commencer par la suppression du salaire
minimum garanti. Mais une fois apaisé ce tollé, une discussion
plus sereine s’est instaurée, donnant lieu à de très
nombreux articles et débats, de la presse quotidienne aux revues
académiques.
L’existence d’un plan relativement précis, soigneusement pensé et soucieux de réalisme, comme l’est sans conteste celui du WRR, n’est pas seulement un moyen de rendre soudain crédible l’idée même d’allocation universelle dans des milieux qui, jusque là, l’ignoraient totalement ou n’y voyaient que fantasme de rêveurs. Il fournit aussi un point de référence pour les très nombreuses réflexions et discussions qui devront encore avoir lieu si l’allocation universelle doit un jour devenir réalité - que ce soit par exemple pour mettre au point les techniques juridiques qui permettront de mettre en place, par étapes successives, le nouveau système, pour estimer l’effet économique de la mesure sous différentes hypothèses quant à son mode de financement, pour évaluer son impact sur l’émancipation féminine, ou encore pour tirer au clair les interrogations éthiques qu’il soulève.
Aujourd’hui
C’est dans ce contexte que s’est constitué,
en octobre 1987, le Werkplaats Basisinkomen, le "lieu de travail
allocation universelle, organe permanent - de coordination entre diverses
organisations promouvant activement l’introduction d’une allocation
universelle intégrale ou se déclarant sympathisantes.
On y trouve des syndicats, comme le syndicat de l’alimentation du FNV,
dont il a déjà été question, mais aussi
le syndicat de l’alimentation et de l’industrie du CNV, le syndicat
des femmes du FNV et le syndicat indépendant des artistes. On
y trouve aussi des formations politiques, comme le parti radical PPR,
les protestants de gauche de l’EVP, le "groupe de travail sur l’allocation
universelle" du parti travailliste PvdA et le parti écologiste
flamand AGALEV. On y trouve enfin un grand nombre d’associations de
chômeurs et d’allocataires sociaux locales ou nationales. Au cours
de la dernière décennie, en effet, ces associations ont
graduellement réorienté leur réflexion et leur
action de revendications purement défensives - à l’égard,
par exemple, des. ingérences de l’administration sociale dans
la vie privée des allocataires ou de la réglementation
de plus en plus restrictive quant au travail, même bénévole,
qu’ils sont autorisés à effectuer - vers l’exigence de
l’instauration d’une allocation universelle substantielle.
L’importance du débat décrit à grands traits dans
les pages qui précèdent - et que ce "lieu de travail",
comme centre de documentation, de propagande et de coordination, vise
à nourrir - dépasse de loin les frontières des
Pays-Bas. par l’intermédiaire du groupe vert-alternatif du Parlement
Européen, au sein duquel la "petite gauche" néerlandaise
est particulièrement active, ce débat s’est déjà
répercuté au niveau du Parlement Européen. A travers
une audition d’experts, un séminaire et deux motions, la Commission
des Affaires Sociales et de l’Emploi a été amenée
à plusieurs reprises à considérer la possibilité
d’introduire une allocation universelle à l’échelle de
la Communauté Européenne. A mesure que s’approche l’échéance
1992 et que s’approfondit la réflexion sur les formes de solidarité
qu’appelle le décloisonnement des marchés européens,
on peut s’attendre à ce que cette possibilité soit évoquée
de plus en plus fréquemment, même si un soutien politique
suffisant n’a des chances de prendre forme, à ce niveau, qu’au
moment où les conséquences sociales de "1992"
commenceront à se faire sentir.
Indépendamment de ces prolongements à l’échelle
de la Communauté Européenne, le débat néerlandais
sur l’allocation universelle présente aussi un intérêt
direct pour des pays qui, comme la Belgique ou la France, ont un revenu
minimum garanti depuis moins longtemps que les Pays-Bas ou sont en passe
de l’introduire. Nul besoin d’adhérer à un évolutionnisme
unilinéaire pour suspecter que les frustrations, les inquiétudes,
les espoirs, les conflits qui, au fil des ans, ont suscité le
débat néerlandais, préfigurent ceux qui déjà
s’esquissent ailleurs. Or, ce qui se joue dans ce débat, c’est
autre chose et bien plus que le choix d’une stratégie d’ajustement
de la sécurité sociale à la "crise".
C’est la question de savoir si l’objectif socioéconomique central
des "forces progressistes" peut et doit être radicalement
reformulé : de la socialisation maximale des moyens de production
à la garantie à tous de la liberté que confère
une allocation universelle maximale.
(1) En 1976, le gouvernement du travailliste Joop den
Uyl a introduit une loi liant le niveau de revenu minimum garanti (bijstand)
au niveau du salaire minimum garanti (minimumloon), lui-même lié
au salaire moyen. Les gouvernements chrétienslibéraux
ultérieurs ont défait ce lien légal, mais le niveau
du bijstand n’en a pas moins continué d’augmenter en termes réels.
Il est aujourd’hui d’environ 3 200 FF par mois pour un isolé
et 4 800 FF pour un couple, sans compter l’accès éventuel
à un logement social subsidié, et des allocations familiales
dont le montant mensuel moyen est de l’ordre de 1300 FF par enfant.
(2) C’est aux Pays-Bas que le débat public sur l’allocation universelle
a commencé le plus tôt. C’est là aussi - et de loin
- qu’il est aujourd’hui le plus large et le plus avancé. Sur
les raisons de ce fait dans le cadre d’un panorama de la discussion
européenne, voir mon article "Quel avenir pour l’allocation
universelle ?", in Futuribles, janvier 1987.
(3) J.P. Kuiper, "Niet meer werken om den brode" ("Ne
plus travailler pour gagner sa croûte"), initialement publié
dans Milieu en werkgelegenheid (Environnement et emploi), Amsterdam
: Vereniging Milieudefensie, 1975, 51-69, Kuiper retrace le développement
de sa pensée sur le thème de l’allocation universelle
dans "Een samenleving met gegarandeerd inkomen" ("Une
société à revenu garanti"), in Wending (Amsterdam),
avril 1982, 278-283.
(4) D’Edward Bellamy (romancier utopiste américain de la fin
du dix-neuvième siècle) à Gunnar Adler-Karlsson
et André Gorz, en passant par Joseph Popper-Lynkeus et Jacques
Duboin, on trouve toute une lignée de penseurs socialistes proposant
de coupler un revenu social égal pour tous et un service social
obligatoire.
(5) Ces chiffres donnent, en pourcentage de la population active, le
nombre d’adultes de moins de 65 ans bénéficiant soit d’une
allocation de chômage, soit du bijstand. Ils n’incluent pas les
personnes jouissant d’une indemnité d’inaptitude au travail qui,
de 1975 à 1985, sont passées de 8,9à 11,7 % de
la population active, et dont on estime qu’environ 50 sont des chômeurs
involontaires déguisés. Ces chiffres sont encore plus
saisissants si l’on tient compte du fait que le taux de participation
des femmes aux Pays-Bas est l’un des plus bas d’Europe.