Les écologistes au secours du dollar U.S. ?
par
Publication : octobre 1977
Mise en ligne : 21 mars 2008
LE gouvernement américain est en face d’un
très grave danger qui menace sa suprématie sur tout le
monde occidental, qu’on pourrait croire, pourtant, solidement établie.
Ce grave danger se place sur le plan monétaire et résulte
de l’obligation où se sont trouvés les U.S.A., ces dernières
années, de payer avec beaucoup plus de dollars que prévu,
les matières premières et le pétrole dont la croissance
de leur production capitaliste avait besoin. Le dollar étant
jusqu’ici considéré comme une monnaie forte, tous ces
fournisseurs n’ont pas trouvé de meilleur placement que de prêter,
d’investir ces dollars... aux Etats-Unis, dont la prépondérance,
dans tous les domaines de l’innovation technologique, leur inspirait
confiance. Pour maintenir leur hégémonie, les Américains
ont utilisé les dollars de leurs créditeurs pour aider
au développement du TiersMonde, dont l’endettement atteint aujourd’hui
près de 300 milliards de dollars (soit 150 000 milliards d’anciens
francs). Il est manifeste que ces pays sont incapables de rembourser
pareille somme.
On comprend dès lors quelle catastrophe ce serait pour toutes
les institutions bancaires rattachées au dollar, si les créanciers
venaient réclamer les dollars qui leur sont dus. Et pourquoi
ne le feraient-ils pas ? On peut même imaginer qu’un vent de panique
financière les amène à se grouper. Ce serait alors
purement et simplement la faillite des Etats-Unis.
Cette crainte, fort bien perçue par le gouvernement américain,
explique toute sa politique actuelle, et en particulier, l’alliance
trilatérale. Le seul moyen de limiter la demande monétaire
n’est-il pas, comme le suggère L. Lammers (*) « d’en limiter
le besoin et, pour cela, limiter la croissance.
Mais il faut et il importe que cette limitation soit mondiale pour qu’elle
puisse avoir quelque chance d’être acceptée, bon gré,
mal gré. Telle apparaît être la conclusion de l’exécutif
américain actuel. »
« L’analyse fondamentale de ce choix », poursuit ce journaliste, « conduit à constater que la limitation de la croissance s’inscrit comme une nécessité monétaire exclusivement, une nécessité absolue pour sauver le dollar et maintenir les U.S.A. en position de prépondérance. Pas du tout fondamentalement par nécessité écologique, scientifiques, d’économies de ressources naturelles... »
Il faut méditer cette hypothèse sur la
stratégie américaine qui pourrait avoir débuté
avec le premier rapport du Club de Rome et des spécialistes du
M.I.T. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
Elle coïncide remarquablement avec le déploiement de la
vaste campagne écologique dont nous sommes témoins.
La croissance pour le profit, la croissance à tout prix, la croissance
anarchique qui n’est pas voulue pour l’homme, pour TOUS les êtres
humains, a été suffisamment dénoncée, sans
cesse, dans ces colonnes, pour qu’il nous soit possible, sans risquer
d’être mai compris, de dire aujourd’hui que la limitation contre
nature de la croissance n’est pas la solution. Et ceci tant que deux
êtres humains sur trois, comme c’est le cas, resteront sous-alimentés.
Cette politique est une nouvelle manifestation de l’incapacité
des dirigeants du monde à adapter leur système monétaire
aux besoins de l’humanité.
(*) Dans « Energies », N° 1087 du 16 septembre 1977.