Le message Roosevelt et la paix
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Publication : 25 avril 1939
Mise en ligne : 5 mars 2008
LA presse des pays démocratiques (c’est l’expression consacrée) a fait un grand succès au message du Président Roosevelt, car il a pour conséquence, nous dit-on, de dissiper toutes les équivoques en dénonçant les totalitaires comme les ennemis de la paix publique. C’est dans ce même sens qu’il a été interprété à Berlin et à Rome, mais avec une mauvaise humeur assez compréhensible.
Demandons-nous objectivement si le Président Roosevelt a fait pencher les événements du bon côté, c’est-à-dire du côté de la paix, ou si, au contraire, ce message n’est qu’une manifestation épistolaire de plus.
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LE Président Roosevelt dénonce très justement les procédés de l’Allemagne hitlérienne vis-à-vis de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie ; ceux de l’Italie vis-à-vis de l’Albanie. A cet égard, il fait preuve d’un peu plus de tempérament que les gouvernements de France et d’Angleterre, lesquels, après avoir rappelé théâtralement leurs ambassadeurs à la suite du dernier coup tchécoslovaque, les font regagner aujourd’hui leur poste à Berlin, en expliquant qu’ils avaient eu besoin d’un petit repos pour leur santé.
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CECI dit, le Président Roosevelt rappelle aussi très justement que toutes les questions qui divisent les hommes peuvent se régler autour d’un tapis vert. Il suffit que chaque nation désigne quelques délégués ; les délégués se réunissent, discutent, s’entendent, et le tour est joué.
D’accord ; mais à une condition : c’est que les délégués apportent autour du tapis vert autre chose que les préjugés de l’économie libérale. S’ils arrivent bien décidés à se cantonner dans le régime économique actuel, on peut parier à cent contre un que les revendications de chaque pays se heurteront aux revendications de tous les autres, et que le problème qui se pose partout ne recevra même pas un commencement de solution.
A cet égard, le Président Roosevelt ne nous apporte aucun espoir. Que propose-t-il ? Une conférence internationale pour rechercher les moyens qui permettront à toutes les nations « d’acheter et vendre librement ». Autant réunir une conférence de chauves pour rechercher les moyens de retrouver leurs cheveux.
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LE Président Roosevelt part encore de cette idée simpliste que l’Allemagne, de gaieté de coeur, s’est réfugiée dans l’autarcie. C’est pour distraire les Allemands qu’on leur fait fabriquer des succédanés de tous les produits que les autres pays fournissent en abondance ; c’est pour leur faire aimer le régime hitlérien qu’on les rationne et qu’on leur distribue des cartes de sucre, de beurre, etc.
Le Président Roosevelt ignore encore, en 1939, que tous les peuples veulent vendre et qu’aucun ne veut acheter. Ou, plus exactement, que ceux qui voudraient acheter n’ont pas les moyens de le faire, parce que les autres peuples ne veulent rien leur acheter pour commencer. C’est le cas de l’Allemagne. Ses produits industriels ne trouvent plus preneur nulle part, car la planète s’est équipée à toute allure. Alors comment veut-on que l’Allemagne puisse se procurer les matières premières dont son peuple a besoin ?
Cette impossibilité de vendre paraît surprendre le Président Roosevelt. Il paraît oublier qu’il a lui-même quelque 14 millions de balles de coton (chaque balle pèse 225 kg) dont il ne sait que faire, et qu’il offre vainement à des peuples qui en ont besoin, mais qui ne pourraient les acheter qu’à condition que les Etats-Unis voulussent bien leur permettre de se procurer des dollars ; ce qui, dans le régime, n’est possible que si les Etats-Unis voulaient bien acheter des produits étrangers.
Le Président Roosevelt paraît oublier qu’il portera dans l’histoire le nom du plus grand ennemi de l’abondance. Qu’il a fait détruire une masse prodigieuse de produits alimentaires, sous prétexte que les Américains ne pouvaient pas les vendre ; qu’il a pris des mesures draconiennes pour restreindre ensuite la production du coton, du blé, du riz, du tabac, du maïs, du seigle, de l’orge, du chanvre, du bétail, des porcs, du lait, du sucre de canne, de la betterave, du sorgho et des arachides.
Sa première et sa seconde expérience sont un abominable défi à la misère du peuple américain. Ce n’est pas nous qui le disons : c’est M. Amlie, dans son discours à la Chambre des Représentants, dont le D. A. T. possède une traduction à la disposition de tous ceux qui cherchent à se renseigner.
Ces honteuses destructions de produits et ces restrictions de production future ont pour résultat une détresse atroce qui a été définie ainsi : sur trois Américains, il y en a un qui est à peine nourri, à peine vêtu, et misérablement logé. Et qui a dit cela ? C’est le Président Roosevelt lui-même, dans le discours qui a suivi sa réélection à la présidence des États-Unis ! Douze millions de chômeurs qui,avec femme et enfants, représentent le tiers de la population américaine. A côté d’eux : une masse de produits que l’on détruit légalement. Au-dessous d’eux : de l’or, pour une somme de cent cinquante milliards de francs qu’on stérilise.
Car le Président Roosevelt stérilise tout aux Etats-Unis : les capitaux, la production et les consommateurs.
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COMME cette folle politique n’a d’autre cause que l’impossibilité de vendre, on est surpris que le message Roosevelt paraisse ignorer que l’Allemagne manque de matières premières faute de pouvoir, elle aussi, vendre ses produits fabriqués. Le Président Roosevelt ignore-t-il encore que le commerce international est en train de disparaître presque complètement de la surface du globe, précisément parce que tout le monde veut vendre et que personne ne peut acheter ?
La S.D.N. a fourni, à cet égard, quelques renseignements qui montrent que la chute du commerce international s’accélère sans répit ; Il suffit de comparer les chiffres de 1937 et de 1938, mais, bien entendu, en se servant de valeur-or, afin d’avoir une commune mesure.
Les exportations des Etats-Unis en 1938 représentent 35 % de ce qu’elles étaient en 1929.
A l’égard des importations, les Etats-Unis n’achètent plus que 26 % de ce qu’ils achetaient en 1929. En une seule année, le chiffre de leurs importations a baissé de 35 pour cent.
Prenez tous les pays, un à un, et vous découvrez que tous achètent de moins en moins, parce qu’ils vendent toujours plus péniblement au dehors.
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LE Président Roosevelt, qui a un « brain trust » à sa disposition, devrait savoir que les matières premières ont été distribuées sur la terre sans aucun souci des frontières politiques, ni même des théories des économistes orthodoxes. Les Etats-Unis sont des privilégiés, et, s’ils succombent sous le poids de la misère, c’est en raison de l’entêtement farouche de leurs dirigeants à ne pas vouloir s’adapter au progrès.
Les Etats-Unis ont infiniment plus que leur part des richesses naturelles. Dans la production mondiale, ils ont 34 % de la houille ; 60 % du pétrole ; 50 % du coton ; 72 % du soufre ; 28 % du zinc. Quant aux céréales, le Président Roosevelt est en train de convoquer une autre c