Lionel J’ose-pas
par
Publication : mai 1997
Mise en ligne : 20 janvier 2007
En lisant, en relisant les grandes orientations que vous avez proposées aux Français le 18 mars, nous les avons trouvées bien tièdes. Tant de sollicitude pour les entreprises, tant de souci pour la “croissance”, ce mot fourre-tout qui est censé signifier à la fois prospérité, profit et bonne santé des marchés. Est-ce là dessus qu’il faut mobiliser les citoyens si l’on croit encore que le “socialisme” est un mot porteur de changement ?
Il est temps d’oser. Il est temps d’oser dire aux Français que plus les entreprises augmentent leur productivité pour répondre à une concurrence féroce, plus elles se débarrassent de travailleurs dont elles n’ont plus besoin : c’est donc que la croissance existe, mais que ses fruits sont confisqués. Autrement dit que le chômage, c’est la résultante d’une masse de richesses produites de plus en plus facilement avec de moins en moins de travailleurs.
Il faut oser maintenant, cher Lionel Jospin, vous appuyer sur ces chômeurs rejetés comme “sous-produits” d’un système qui peut fabriquer de la richesse sans eux. Ils ne sont pas les “exclus”’un système inéluctablement maître du monde : ils sont le ferment d’une société différente.
Il faut oser, pour les faire basculer dans votre camp, leur donner les clés de la révolte : il n’y a plus, il n’y aura plus jamais de rapport entre la masse de richesses produite avec une automatisation grandissante et la quantité de travail humain qui aurait été nécessaire il y a 50 ans. Par conséquent, il faut oser dénoncer le système “libéral”, ce capital qui n’a aucun scrupule à mettre à la poubelle des millions de travailleurs et à demander à l’État de s’en occuper.
Il faut oser, cher Lionel Jospin, écrire un autre programme, qui incitera les citoyens, chômeurs en tête, à réclamer une part sans cesse grandissante de la richesse produite sans eux. Votre programme ressemble, hélas, à quelques nuances près, à celui des libéraux qui nous gouvernent.