Au fil des jours
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Publication : août 2002
Mise en ligne : 6 janvier 2007
Suppressions d’emplois
Quoiqu’on vous en dise, n’oubliez pas qu’elles sont inéluctables :
• Le célèbre fabricant de Jeans, Levi’s, a décidé d’abandonner la fabrication de vêtements pour se consacrer au marketing et au développement de produits. Il transfèrera sa production dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère. En conséquence il fermera 6 de ses 8 usines aux États-Unis ce qui s’y traduira par la suppression de 3.300 emplois, soit 20% de ses effectifs. Depuis 1997, le groupe a déjà supprimé 18.500 emplois et fermé 29 usines en Amérique du Nord et en Europe (dont celle de la Bassée, près de Lille) [1].
• Après sa fusion avec Compaq, le président du nouveau groupe Hewlett-Packard a annoncé la suppression de 15.000 emplois au cours des six ou neuf prochains mois. Ce qui représente environ 10% des effectifs du nouveau groupe. En France, ces licenciements toucheront 1.400 personnes [2].
• Le nouveau patron de la Deutsche Bank vient d’annoncer la suppression de 3.770 postes qui s’ajoutent aux 9.200 déjà annoncées en 2001 et aux 1.500 autres dans la branche de gestion des actifs. En un an 13% des effectifs auront ainsi disparu [3].
• Le groupe de services informatiques américain Electronic Data Services va licencier 2.000 salariés « pour s’adapter à la baisse de la demande » [4].
• Selon une étude publiée le 8 juillet par le cabinet de recrutement Challenger, les licenciements dans le secteur des télécommunications pourraient, en 2002, atteindre et même dépasser le record établi en 2001. En effet, depuis le début de l’année, 165.840 emplois ont été supprimés dans le secteur, soit 27% de plus que pendant le premier semestre 20015.
• En Allemagne, les défaillances d’entreprises se succèdent : après celles du groupe de bâtiment et travaux publics Holzmann, du fabricant d’avions Fairchild-Dornier, du groupe de médias Kirch, le groupe centenaire Babcock Borsig, spécialiste des équipements de centrales électriques, vient de déposer son bilan. 22.000 salariés dont 13.000 en Allemagne sont concernés [5].
• Intel, le numéro un mondial des microprocesseurs, en raison du recul de 53% de son bénéfice net par rapport au premier trimestre 2002, va réduire ses effectifs de 5%, ce qui représente 4.000 emplois [6].
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Aller-retour
Alors qu’en France, les privatisations semblent à nouveau promises à un bel avenir, grâce à Chirac-Raffarin, Railtrack, la société propriétaire de l’infrastructure ferroviaire britannique, va revenir dans le service public six ans après la privatisation de British Railways dont elle est issue [3]. “Héritière” des 40.000 km de voies ferrées et des 2.500 gares de British Rail, Railtrack, victime du sous-investissement de ses actionnaires, n’a pas été à la hauteur de la tâche. Elle a accumulé accidents, retards, manque de confort, pannes… à tel point qu’en octobre 2001, elle a été placée sous administration judiciaire à la demande de la Haute Cour de Londres. Le secrétaire aux transports a annoncé la création d’un fonds d’urgence de 6,2 milliards d’euros destiné à Network Rail, entreprise presqu’entièrement financée par des fonds publics, qui est chargée de reprendre les voies de Railtrack. Une fois encore, le contribuable paiera à la place de l’actionnaire !
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Allégrement inconscient
Le mammouth de la science, Claude Allègre, s’extasie [7] sur les progrès accomplis par la Chine dans le domaine des technologie du vivant « où se situe l’agriculture de demain ». Puis il s’indigne : « Pendant ce temps, la France […] laisse saccager les champs expérimentaux d’OGM […] Enfin, l’Europe toute entière est paralysée par l’action irresponsable des Verts concernant les OGM et, du coup, le champ est laissé libre aux multinationales américaines et désormais à la Chine. Que ferons-nous quand dans un commerce international dérégulé, la Chine exportera à bas prix les céréales produites suivant des techniques que nous n’aurons pas pu développer ? ». Le raisonnement du cher collègue est classique, du même type que celui qui justifie les ventes d’armes à n’importe quel pays ou celui selon lequel on peut entreprendre n’importe quelle recherche (le clonage humain par exemple) « parce que si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place… »
En ce qui concerne les OGM, Allègre devrait savoir que des mesures récentes effectuées au Mexique viennent de confirmer la contamination de variétés locales de maïs par du maïs transgénique [8] et qu’une étude australienne [9] montre que des croisements entre plantes génétiquement modifiées et variétés naturelles peuvent se produire à grande distance (plusieurs kilomètres). Les positions de la Confédération paysanne et celles des Verts ne sont donc peut-être pas aussi irresponsables que le dit Allègre. Il est vrai que pour lui le principe de précaution doit être rétrograde ! Nous préférons, quant à nous, faire nôtre cette réflexion de Spyros Artvanis-Tsakonas, professeur au Collège de France : « En tant que citoyens, en tant que citoyens et démocrates, notre devoir civique est de veiller à ce que le savoir biologique ne soit pas déformé, ni utilisé comme outil par ceux qui détiennent le pouvoir et cherchent des arguments rationnels pour excuser leurs préjugés et leurs passions » [10].
[1] Le Monde, 10/04/2002.
[2] Le Monde, 10/05/2002.
[3] Le Monde, 29/06/2002.
[4] Le Monde, 04/07/2002.
[5] Le Monde, 10/07/2002.
[6] Le Monde, 18/07/2002.
[7] L’Express, 04/07/2002.
[8] Le Monde, 08/05/2002.
[9] Le Monde, 05/07/2002.
[10] Leçon inaugurale, 26/04/2002.