Au fil des jours
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Mise en ligne : 9 décembre 2006
Encore une exception française
Dans sa chronique du Monde des 12-13 novembre, Eric le Boucher dénonce « la salade verte, arrosée par Dieu et Malthus, idéologisée, qui séduit la France où l’écologie est devenue la dernière manière de lutter contre le capitalisme ». Il appelle « salade verte » l’idée des écolos français de montrer l’exemple en matière de réduction des émissions de CO2. Le cœur de leur stratégie serait, se moque-t-il : « avoir mauvaise conscience, se serrer la ceinture, entrer volontairement dans la “culture de la modération”. Au besoin, il faut contraindre les récalcitrants par la force (à Paris, par exemple). Les hommes roulent-ils toujours en 4x4, veulent-ils la clim (parce que justement, il commence à faire chaud, vous ne trouvez pas ?) et la Terre continue-t-elle de bouillir ? C’est parce qu’on n’a pas assez expliqué, que la prise de conscience n’est pas assez haute dans la hiérarchie de l’État, que le capitalisme et les industriels refusent de “produire autrement” et de faire “des produits qui soient réparables”. Changeons le capitalisme, diminuons la croissance ! » Cette “salade verte”, toujours d’après E. Le Boucher, n’aurait aucune chance de convaincre ailleurs. La preuve ? Je le cite encore : « c’est une version première (et encore douce) de cette stratégie qui a présidé au fameux protocole de Kyoto… Le malheur est que ça n’a pas marché puisque les États-Unis n’ont pas ratifié le protocole, que le Canada vient de s’en retirer, qu’aucun pays émergent n’est concerné alors que la Chine deviendra la plus grosse pollueuse dans dix ans ». Pour que ça ne soit pas un échec il faut que tout le monde participe, qu’il n’y ait pas de resquilleur. « La méthode du cri d’alarme, de l’exemplarité et de la restriction volontaire défaille. Elle se heurte en outre, quoi qu’en disent les militants Verts à des incertitudes scientifiques ».
La solution ? Faire coopérer les États mais cela déplaît aux pays libéraux (la très grande majorité) qui craignent l’étatisme et redoutent que cela ne débouche sur un immense gâchis d’argent. Ce n’est sûrement pas en leur proposant la modération et de changer le capitalisme, nous dit encore E. Le Boucher, mais en inversant le point de vue, comme le propose l’économiste Nick Stern dans le rapport qu’il vient de remettre à Tony Blair : « Le monde n’a pas à choisir entre “éviter le changement climatique”et “promouvoir la croissance et le développement”. L’évolution des technologies énergétiques et les mutations des appareils économiques [???] font que la croissance n’est pas antinomique avec la réduction des gaz à effet de serre ».
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes.
Mais ces diables de Français ne le comprennent toujours pas !!!
Décroissance à l’allemande
Voilà maintenant que les Allemands commencent aussi à se singulariser : comme dans tous les autres pays de l’Union européenne, la décroissance démographique est habituellement présentée comme une catastrophe, une bombe à retardement, notamment pour le financement des retraites et les dépenses de santé. Comme le serinent partout les économistes « moins de personnes au travail, c’est moins de croissance » avec toutes les conséquences que cela implique, selon eux, pour le niveau de vie. Le cas de l’Allemagne est exemplaire : après sa réunification en 1990, c’était le pays le plus peuplé de l’Union européenne, mais aussi celui où, sauf en 1998, le nombre des décès a excédé celui des naissances. D’où la multiplication en Allemagne de colloques et ouvrages traitant du “drame démographique”.
Mais quelques voix “discordantes” s’élèvent…
Le directeur de l’Institut de recherches économiques de Hambourg pense, au contraire, que le déclin démographique est une bonne chose pour l’Allemagne : plus de problème de logement, finis les embouteillages et les amphithéâtres bondés ! « De nouvelles perspectives devraient s’ouvrir pour les jeunes, les seniors et les femmes, aujourd’hui défavorisés sur le marché du travail », écrit-il.
Pascal Hetze, expert au Centre de recherches sur le tournant démographique à l’Université de Rostock pense, lui, que les questions démographiques sont « traitées avec beaucoup trop d’intensité dramatique » car, dit-il, « on ne sait pas précisément quelles seront les retombées économiques du tournant démographique ». On ignore précise-t-il, « comment une société vieillissante se comportera, car les seniors d’aujourd’hui ne sont pas forcément représentatifs des seniors de demain ». Et, contrairement à ce que nous assènent les économistes classiques, il imagine que « le progrès technologique et l’augmentation de la productivité garantissent un certain niveau de croissance et permettent de résoudre les problèmes posés par les systèmes sociaux ». Il en déduit qu’il faut donner la priorité à l’éducation et à la formation.
Ça ira mieux demain.
Le Trésor français, qui n’est pas fichu de faire des prévisions fiables sur un an, vient de revoir à la hausse de 0,3 point la croissance potentielle de l’économie française à l’horizon 2050. Il s’appuie pour cela sur de nouvelles projections de population active de l’Institut national de la statistique et des études économiques, selon lesquelles le vieillissement de la population française serait moins marqué que prévu, de sorte que la proportion de personnes en âge de travailler augmenterait à nouveau à partir de 2020 et que la richesse par habitant s’améliorerait à partir de 2025 ! Acceptons en l’augure… !