Dans l’aviation


par  A. S.
Publication : 1er novembre 1935
Mise en ligne : 3 décembre 2006

J’ai, dans un article récent, effleuré l’organisation, ou plus exactement le manque d’organisation du ministère de l’Air.

Ce n’est pas que j’entende dire que tout soit à critiquer, il n’est pas douteux que la tâche d’un ministre, est difficile lorsque le progrès du jour vient détruire les théories et les efforts de la veille, et, si je ne craignais de me répéter, j’insisterais sur la nécessité d’orienter les constructeurs dans le sens de la « specialisation ». Je reviendrai, d’ailleurs, plus tard sur ce sujet. Je voudrais aujourd’hui attirer votre attention sur une question qui devient à la mode : c’est celle de l’Aviation civile.

Eh bien ! là, tout est à faire

Au même titre qu’il aurait été impossible d’envisager le développement de l’industrie automobile, si l’on n’avait pas préalablement construit des routes, je dis bien haut que l’aviation civile ne vivra que le jour où l’on aura disséminé par toute la France des terrains d’aviation et qu’il sera possible d’atterrir dans chaque canton.

Il faut écarter sans hésitation le moyen de financement qui a instauré le « péage » actuellement en vigueur et qui consiste à appliquer au moyen de transports le plus moderne la formule la plus désuète qu’il soit possible d’imaginer. Je m’explique : la méthode actuelle consiste à faire payer une « dime » au pilote qui atterrit sur un terrain, comme jadis on faisait payer le passage d’un pont jeté sur une rivière. Il y a vraiment dans cette méthode de quoi faire rire si l’on ne devait plutôt pleurer de la bêtise humaine.

Alors, me dira-t-on, quels sont les moyens à employer pour financer « une politique des terrains » ?

Pierre Faure signalait récemment que l’on allait employer 50 millions à l’aménagement de l’aéroport de Bordeaux et, si je ne m’abuse, un crédit important a été affecté à l’aménagement du terrain du Bourget.

Qu’auriez-vous dit si, au lieu d’employer des crédits à la construction de routes dans toute la France, on s’était contenté d’établir entre Paris et Versailles, et là seulement, une magnifique route pourvue de toutes les améliorations possibles ?

Eh bien, pour ridicule que soit cet exemple, la politique actuelle des terrains d’aviation est exactement calquée sur cette formule.

Il est indéniable qu’avec les 50 millions affectés à l’aérodrome de Bordeaux, on pourrait créer en France un nombre important de terrains et que des concours locaux viendraient s’adjoindre à l’effort initial du Gouvernement. Tout est simple, à la condition qu’un ministre ait le courage de se dégager des influences particulières pour mettre son autorité au seul service de l’intérêt général du pays.

Il faut en finir avec un système par trop militaire qui consiste à diriger l’aviation civile avec des ordres et des contre-ordres. À Paris, par exemple, le terrain d’Orly avait été affecté depuis longtemps à l’aviation civile qui fut au printemps dernier expédiée à Buc. II est fortement question de la réintégrer à Orly... Comment admettre que l’aviation civile traitée avec autant de désinvolture puisse se développer normalement.

Pour conclure, il faut que l’aviation civile devienne absolument indépendante et qu’elle ait un budget particulier.

Je ne dis pas qu’il faille supprimer toute liaison, ni avec le ministère de l’Air, ni avec l’Aviation militaire, mais un chef responsable, disposant de moyens budgétaires autonomes, doit prendre en mains toute l’organisation, en commençant par créer les terrains nécessaires au jalonnement des routes de l’Air.