L’organisation fait l’action


par  J. NOCHER
Publication : 1er novembre 1935
Mise en ligne : 3 décembre 2006

Que de fois, à la fin d’une réunion, lorsque l’orateur chargé de porter la bonne parole s’est surpassé, lorsque ce qu’on appelle la crise est lumineusement expliqué et dépassé, lorsque le mécanisme économique, démonté en pièces détachées, vient d’être étalé sur la table et n’inspire plus qu’un tranquille mépris, lorsqu’enfin tout est si clair que tous respirent et qu’on entend voler une mouche, alors, du fond de la salle, émerge une tête-de-bois douée de parole, qui prononce cette phrase en forme de frigidaire :

— Je suis d’accord avec le conférencier ; nous savons ce qui est ; nous savons ce qui sera... Mais comment y parvenir ?... Je demande la transition.

Cet hurluberlu n’a probablement rien compris. Mais comme une assemblée met d’instinct son intelligence au niveau du plus bête de ses composants nous devons traiter l’idiot du village exactement comme s’il était monsieur le Maire.

Donc, Tête-de-Bois a raison.

***

Il faut d’urgence le prendre par les oreilles pour lui dire, les yeux dans les yeux :

— Si j’étais astrologue, pythonisse ou politicien, je vous inventerais un petit système monétaire avec une doctrine pyramidale de l’Etat, une représentation proportionnelle et une dévaluation déguisée, grâce à quoi je vous emmènerais, étape par étape et le bandeau sur les yeux, dans le monde que vous désirez. Après-quoi, je vous souhaiterais bonne nuit en vous demandant trois francs cinquante, pour l’adhésion.

« Mais comme nous ne sommes pas venus là pour faire tourner les tables, je suis forcé de vous dire que la transition n’est pas objet de prévision, mais d’action... Au lieu de la supputer, venez donc la faire avec nous.

C’est de notre effort commun, de notre esprit d’équipe, que dépend la grande Révolution dont vous projetez la vaine image dans le plan du rêve, au des fatalités.

« Donnez-moi- donc tout de suite vos trois francs cinquante, et revenez nous voir toutes les semaines, 14, rue Favart, 3e étage à droite, de 10 heures à minuit. Le travail vous attend déjà, cher camarade...

Tête-de-Bois a du génie : une réunion publique est une offensive ; elle n’occupe pas le terrain. C’est la liaison, c’est le contrôle, c’est la collaboration, c’est, en un mot, l’organisation qui font un mouvement. C’est si vrai que si 10.000 hommes de bonne volonté, bien placés, bien différenciés, bien centralisés, faisaient pénétrer dans tous les milieux toutes les idées de Jacques Duboin, la face de la politique serait d’un seul coup changée en France, et nos 10.000 héros seraient plus puissants que tous les Parlements et tous les murs d’argent réunis.

Aux J.E.U.N.E.S., nos camarades des équipes de liaison ont pénétré en quelques mois tous les milieux politiques, économiques et culturels de la jeunesse, et tous les jours nous recueillons les fruits d’une action qui peut être décisive si elle est centuplée...

- Or cela, c’est possible. Ce n’est qu’une question d’automatisme dans le travail collectif et d’initiative dans le travail individuel : les sections, les commissions, le comité directeur doivent marcher d’un seul rythme, et c’est pourquoi la Ligue vient de préconiser l’élargissement de tous ses organismes responsables. D’autre part, chaque membre doit prendre sur lui de venir offrir ses bras et son cerveau à l’édification commune... A ces deux conditions, nous pourrons étendre notre propagande par la seule force de l’idée, en progression géométrique : un, quatre, seize, soixante-quatre, deux cent cinquante-six... L’idée va toujours plus vite qu’on ne croit.

- Le convaincu n’est pas intéressant ; mais ce qui nous intéresse, c’est que tout convaincu peut être convaincant...

Un bon mouvement : Debout, les apôtres !... Ce monde est si bête que ceux qui ont compris décideront du reste.

Et vous savez bien que la Vérité nous appartient.

Jean NOCHER,
Délégué général des J.E.U.N.E.S.